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Médias et quartiers populaires : de l'image à l'imaginaire

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Vincent Goulet : « La responsabilité du journaliste relève de sa capacité à se dissocier, à prendre conscience de sa fonction anthropologique » Fragil : Dans votre livre Médias et classes populaires : les usages ordinaires des informations, les termes sont au pluriel.

Vincent Goulet : « La responsabilité du journaliste relève de sa capacité à se dissocier, à prendre conscience de sa fonction anthropologique »

Il y a plusieurs médias, plusieurs publics, et donc plusieurs types de réception de l’information ? Vincent Goulet : Ce qui m’a frappé lorsque je vivais dans le quartier populaire de Lormont (Gironde), c’est son extrême diversité. Droit de cité. Les quartiers populaires, le Far-West.

Droit de cité

Du Far-West, on n’en retient que les règlements de compte et cette absence de loi. Pas la ruée vers l’or, ici il n’y aurait rien à trouver, aucun espoir possible. Pire : ils condamneraient l’individu dans son développement : en tête le chômage (28 % contre 20 % dans la métropole) et cette incontournable image. Image de marque, image du quartier.

De dispositifs en dispositifs, de Contrat Urbain de Cohésion Sociale à la Politique de la Ville (dont les premiers chiffres au national ne vont pas dans le sens de la marche), les tentatives sont nombreuses pour améliorer cette image, comme corollaire d’un meilleur vivre-ensemble. Guillaume Bruslé : « Un autre monde que le leur » Fragil : Vous êtes le coordinateur du journal Malakocktail, le journal de quartier de Malakoff. Quel est votre rôle ? Je suis coordinateur de Malakocktail depuis sept ans. Mon travail, c’est d’être rédacteur en chef, mais sans l’aspect « chef ». Malakocktail est un média collaboratif. Mon rôle est d’accompagner les bénévoles dans la production et le suivi de contenus. Quel est le rôle du journal ? Notre journal est un lieu de réflexion sur la vie du quartier, sur les enjeux territoriaux, politiques, sur notre manière de vivre.

Quels sont les objectifs du journal ? Lorsque l'on fait un article il ne s'agit pas de pointer du doigt quelqu'un L’important est de relayer l’actualité du quartier. Comment fonctionne le journal ? En ce qui concerne l’équipe nous avons deux cercles de collaborateurs. Comment se déroule un comité de rédaction ? On va dire que les réunions de rédaction s’apparentent à un « joyeux bazar ». Pouvez-vous savoir qui lit Malakocktail ? Jean-Frédéric Boeswillwald : « changer l’image du quartier » Fragil : Couleur Locale a vingt ans... Jean-Frédéric Boeswilwald : vingt ans de Couleur Locale.

En fêtant cet anniversaire, on a essayé de retrouver tous ceux qui ont participé au journal. Il y a 120, 130 personnes qui se sont mobilisées depuis sa création. Ça n’est pas rien, et c’est après que l’on s’en rend compte. Ça a mobilisé du monde. Benjamin Nugues : « Le journal crée un apprentissage du vivre ensemble, de la démocratie, de la communication » Fragil : Benjamin Nugues, vous êtes le coordinateur de L’Ecrit de Bellevue, quel est votre rôle ? Depuis 2008, je suis coordinateur de L’Ecrit de Bellevue. Financé par la Ville de Nantes, le journal donne la parole aux habitants du quartier par la rédaction d’articles. Médias et habitants : représentations malmenées.

Faits divers, vie associative et restructurations urbaines, voilà globalement les trois principaux thèmes dont la presse quotidienne régionale parle lorsqu’il s’agit des quartiers d’habitat populaire nantais. C’est en tout cas ce que pensent les différents habitants des quartiers des Dervallières, Malakoff et Bellevue, que nous avons interrogés lors de nos micros-trottoirs. Cette représentation de la vie des quartiers peut être remise en question et suscite le désarroi chez certains de ces habitants, qui ne se reconnaissent pas dans les articles de presse. « Il peut y avoir dix sujets positifs, si un seul parle de ce qui ne va pas, on ne verra que lui ».

Et c’est pas trop chaud ? La citoyenneté au cœur des quartiers. « Banlieues, cités, quartiers en difficulté, quartiers populaires, quartiers de relégation, quartiers sensibles, zone, zones de non-droit, ... » : tant de mots utilisés pour décrire les zones urbaines sensibles. Officiellement définies par la loi du 26 décembre 1996, les ZUS sont « caractérisées par la présence de grands ensembles ou de quartiers d’habitat dégradé et par un déséquilibre accentué entre l’habitat et l’emploi » et font l’objet de mesures spécifiques par les pouvoirs publics.

Dans une ZUS, on trouve des logements à faible coût, accessibles à des populations aux faibles revenus. On ne naît pas citoyen, on le devient Entre 1949 et 1974, on a vu se multiplier les constructions de zones d’habitat populaire en France. Selon le rapport ONZUS (Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles), près d’un jeune sur trois habitant en ZUS a moins de 20 ans. Citoyen, rejoins-nous Jeudi 18h30. La jeunesse n'est pas un critère générateur Nantes : paysage de structures d’accompagnement. Médias, idoles des jeunes VS Jeunes, idoles des médias. Télévision, Internet, presse, radio, jeux vidéo… Tous ces médias sont irriguent le quotidien. Ils permettent de s’informer, se divertir, se cultiver et s’ouvrir au monde. Le quotidien est constamment assailli d’informations. Pour la génération Y [2], cela relève d’un comportement habituel, les médias sont ancrés dans leurs mœurs. « Moi, la télé je l’allume dès que je rentre chez moi, et elle le reste jusqu’au moment où je me couche.

C’est une habitude » nous raconte Romain, 19 ans, habitant du quartier des Dervallières. Selon Gérard Mermet, sociologue français, qui s’est penchée sur la question de l’identification des tendances de consommation médiatique, les téléviseurs français restent allumés en moyenne 5h28 par jour dans les foyers en 2007, pour une écoute moyenne quotidienne de 3h19. Les médias influencent les cadets de la société par les codes qu’ils véhiculent et sont donc producteurs d’une certaine « norme ». Nouvelles pratiques médiatiques des jeunes. Le quartier : une entreprise d’idées. Le Breil et les Dervallières sont connus pour leurs expérimentations associatives, culturelles, moins pour leurs entreprises. Travailler dans un quartier fait voir les choses autrement, mais on y travaille comme partout, c'est juste le regard sur nous qui change Dans le quartier, l’entrepreneur a quelque chose d’alternatif. Hors des sentiers balisés, il a un jour décidé de poser sa « mallette » en face du grand Watteau, sur la place des « Derv » ou le long du grand boulevard Pierre de Coubertin, quand ce n’est pas tout simplement chez lui.

Jeunes et médias : un chantier éducatif pour un impératif démocratique. Avec le développement de l’offre d’outils et de médias numériques, les espaces d’échanges, de débats et d’interactions sociales s’accroissent. Désormais nous devenons au quotidien des producteurs d’informations avec nos téléphones portables, par notre participation aux réseaux sociaux, aux contributions à des sites Internet venant à concurrencer les journalistes auxquels la société leur a conféré le rôle de chercher l’information, la vérifier, la commenter, la mettre en forme et la hiérarchiser.

Bien que la défiance envers les médias s’agrandit (et son corollaire : la perte d’influence dans la posture du journaliste), une nécessité de disposer de repères, de connaissances vérifiées s’imposent à nous pour progresser dans un monde en profonde mutation. Nous devons tous être en capacité d’analyser les messages produits par les industries des médias qui sont le résultat de constructions car ces représentations ne sont pas le simple reflet de la réalité.

Les pratiques des jeunes Nantes 2030.