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Critique n° 860-861 : Vivre dans un monde abîmé. Ce monde abîmé, c’est le nôtre.

Critique n° 860-861 : Vivre dans un monde abîmé

Innommable ou du moins difficile à nommer. « Anthropocène », « Capitalocène », « Occidentalocène » ? La querelle de mots paraîtrait bien vaine, si elle ne témoignait de la gravité d’une crise qui n’épargne rien de la vie – et surtout pas son sens. Le présent numéro de Critique, conçu par Marielle Macé et Romain Noël, rouvre le dossier de nos saccages. Mais non pas sous le signe du désespoir, ni de la résignation. Sous celui du « vivre ». SommaireFrédérique AÏT-TOUATI : Récits de la Terre Marielle MACÉ : Comment les oiseaux se sont tusEmanuele COCCIA : Gaïa ou l’anti-Léviathan Thierry HOQUET : Pour un compostisme enchanté Gilles CLÉMENT et Sébastien THIÉRY : « Partout, favoriser la vie » Sophie HOUDART : Fukushima, l’expérience en partages Nathalia KLOOS : Lutter dans un monde abîmé Cyprien TASSET : Arts de mourir et arts de savoir dans l’Anthropocène Enno DEVILLERS-PEÑA : Accueillir, dire, composer la vie malade Isabelle DELPLA : Vivre au pays vide ?

Vent Des Bois: Les arbres peuvent (presque) sauver la planète. Biodiversité : la Terre paye en espèces. Un million d’espèces vivantes pourraient disparaître dans les toutes prochaines décennies, sous le coup des activités humaines.

Biodiversité : la Terre paye en espèces

Au moins 680 espèces de vertébrés ont péri depuis le XVIe siècle, et beaucoup d’autres s’éteignent avant même que l’humanité ne les découvre. Le constat est vertigineux, difficile à croire, mais impossible à contredire. Il est le fruit du travail de 145 experts issus de 50 pays, sur les trois dernières années, soit le document le plus exhaustif réalisé à ce jour. Basé sur une revue systématique d’environ 15 000 références scientifiques et gouvernementales, le rapport de 1 800 pages est publié ce lundi par la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (Ipbes), souvent considérée comme le «Giec de la biodiversité».

La Terre serait ainsi au début de la 6e «extinction de masse», si on ne déploie pas les moyens pour l’empêcher. Déforestation Politiquement, l’état des lieux est tout autant dramatique. Un cadre mondial. « Alerte rouge » sur la perte mondiale de biodiversité. « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », avait lancé Jacques Chirac lors du sommet mondial de la Terre de Johannesburg, en 2002, pointant ainsi la menace du réchauffement climatique. Il faudrait aujourd’hui ajouter : la vie sauvage s’effondre, et nous fermons les yeux. C’est avec l’espoir de provoquer un sursaut international que se réunissent à Paris, à partir du lundi 29 avril et pour une semaine, les experts de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Créée en 2012, sous l’égide des Nations unies et fédérant aujourd’hui 132 pays, cette structure peut être considérée comme le « GIEC de la biodiversité », en référence au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, dont elle a repris, dans son domaine, le mode de travail.

Histoire d’une notion : « Solastalgie » ou le mal du pays quand il est bouleversé. Le succès du Printemps silencieux, un ouvrage de 1962 consacré aux effets dévastateurs des pesticides sur l’environnement, tient peut-être à la promesse anxiogène de son titre. L’idée que le paysage soit un jour privé du chant des oiseaux tint lieu d’étendard à ce livre de la biologiste américaine Rachel Carson, qui est considéré comme le point de départ du mouvement écologiste dans le monde occidental. Proche de « l’inquiétante étrangeté » chère aux romantiques, aux surréalistes et à Sigmund Freud, c’est ce sentiment d’anxiété face à un environnement familier mais altéré que le philosophe australien Glenn Albrecht désigne par le terme « solastalgie » (de l’anglais « solastalgia »). Si, en 1962, le « printemps silencieux » de Rachel Carson relève encore de l’extrapolation, ce n’est plus le cas en 2003, au moment où Glenn Albrecht forge son concept : pour ses concitoyens du Comté du Haut-Hunter, la solastalgie est devenue une réalité.

La solastalgie, ou le nouveau mal du siècle ? Un malaise nouveau s’est emparé d’une partie de notre civilisation. Nombreux sont nos concitoyens à éprouver un sentiment d’impuissance, de perte de sens, voire d’angoisse face aux conséquences alarmantes des activités humaines sur la planète. C’est ce dont témoigne en partie le succès de la pétition en ligne « L’Affaire du siècle », sur la justice climatique. Initiée par des scientifiques, YouTubeurs et personnalités du spectacle, cette pétition la plus suivie de l’histoire a regroupé 2 millions de signataires en moins d’un mois.

Ainsi, s’il vous est déjà arrivé de vous sentir angoissé(e) à cause du réchauffement climatique, d’avoir du mal à vous endormir en pensant qu’il y aura en 2050 plus de plastique que de poissons dans les océans, ou d’hésiter à faire des enfants en pensant à la destruction Il reste 80% de l'article à lire. La suite de l'article est réservée aux abonnés La Croix.Déjà abonné(e) ?