Les « nouveaux vulnérables », ces quatre millions de Français fragilisés par la crise. La France semble sortir de la pandémie et de ses conséquences économiques, la reprise de l’activité est vigoureuse, chômage et pauvreté reculent, le pouvoir d’achat s’améliore mais tous les Français ne sortent pas indemnes de ces deux ans de crise qui auraient fragilisé quatre millions d’entre eux.
C’est l’une des conclusions que tire le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) d’une enquête originale menée en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 3 202 personnes, du 4 au 21 mai, et à paraître mardi 12 octobre. Avec le soutien financier de la Fondation Sanofi Espoir et en partenariat avec plusieurs associations, dont Emmaüs Convergence, et des chercheurs, le Crédoc a lancé l’Institut vulnérabilités et résiliences et dressé un premier état des lieux au sortir de la crise sanitaire, s’appuyant aussi sur ses enquêtes menées trois fois par an, depuis 1978, sur les conditions de vie des Français. Au sein des familles, « le Covid, c’est pire que la religion et la politique »
Pour Sophie, « la goutte d’eau de trop », ce fut d’apprendre que son compagnon avait défilé, cet été, dans le cortège anti-passe sanitaire emmené par le parti Les Patriotes de Florian Philippot. « Manifester avec l’extrême droite, ça, je n’ai pas supporté, c’est contraire à toutes nos valeurs, ça dépassait mes limites », explique-t-elle, en arrêt de travail longue durée depuis un accident.
Après quatre ans de vie commune, c’est la rupture. Il fait ses valises et quitte la petite maison où il vivait avec cette dernière et ses deux enfants, nés d’une précédente union. La conséquence, selon Sophie (dont le prénom a été modifié), « d’un virage antivax et complotiste » qui a eu pour effet collatéral de faire exploser leur cellule familiale recomposée. Les 18-25 ans, une génération abîmée par la pandémie. Ils ont revisité leurs choix d’études ou affirmé leurs convictions politiques, réévalué l’importance de leurs liens familiaux, amicaux, ou de leur cadre de vie.
Beaucoup évoquent une colère, une frustration latente. Mais aussi un besoin, après ce traumatisme, de prendre soin de leur santé mentale, abîmée par les privations et la solitude. Tous le disent : cette période de pandémie de Covid-19 les a transformés. C’est ce qui ressort d’un appel à témoignages lancé par cinq médias européens (Le Monde, The Guardian, La Vanguardia, Süddeutsche Zeitung, La Stampa) auprès des 18-25 ans, sur leurs sites et les réseaux sociaux.
Plusieurs centaines de réponses ont été reçues. Covid-19 : « Je me suis sentie humiliée » : ces familles que la crise sanitaire a fait basculer dans la pauvreté. Un an de pandémie, un an de dégringolade économique et sociale, de récits tragiques et de témoignages déchirants ont eu raison de sa capacité à encaisser.
Avant de les rencontrer en personne, Farid Achouche ne veut plus rien savoir des familles qui franchissent la porte de son épicerie solidaire. Il refuse de lire les fiches de renseignement transmises en amont par les centres communaux d’action sociale. Pourtant, ce professeur d’économie au sein d’un lycée de Roubaix, dans le Nord, en a vu d’autres.
Ici, près d’un habitant sur deux vit sous le seuil de pauvreté. Les familles monoparentales, en première ligne de la crise sociale et sanitaire. Un an après le début de la crise sanitaire, les parents de jeunes enfants continuent de payer un lourd tribut, surtout lorsque les écoles sont fermées.
La tâche est encore plus difficile pour les nombreux « parents solos » – les familles monoparentales représentaient une famille sur cinq en France en 2018 – qui portent toutes les responsabilités du foyer sur les épaules. Il s’agit, dans la majorité des situations, de femmes seules avec enfants (entre 82 % et 85 % des cas, selon que l’on considère les enfants jusqu’à 18 ou 25 ans), dont les charges domestique et mentale se sont accrues avec les inquiétudes et restrictions liées à la pandémie de Covid-19. « La gestion de la parenté devient compliquée avec un revenu unique, car elle ajoute de l’incertitude dans une société déjà précaire et qui précarise encore plus les femmes », analyse Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.
Anorexie, boulimie… La crise sanitaire provoque une hausse inquiétante des troubles alimentaires chez les jeunes adultes. C’est une autre vague qui grandit, depuis un an, à la clinique des maladies mentales et de l’encéphale (CMME) de l’hôpital Sainte-Anne, à Paris.
Au sein de son unité spécialisée dans la prise en charge des troubles alimentaires, un lit ne reste jamais vacant plus d’une minute. « On a une liste d’attente d’hospitalisation d’une trentaine de personnes, avec pour chaque place libérée au moins cinq à six patientes en situation d’urgence », décrit la chef de clinique Laura Di Lodovico. Depuis le début de la pandémie de Covid-19 et des restrictions qui y sont associées, les cas de boulimie, d’hyperphagie et d’anorexie ont explosé en France, en particulier chez les jeunes adultes qui affluent dans ce centre parisien. Dans tous les services spécialisés accueillant ce public que nous avons interrogés, on rapporte un même ordre de grandeur inquiétant : une augmentation d’environ 30 % de la demande par rapport aux autres années. La pandémie de Covid-19 a créé un « baby flop » mondial. L’impact du Covid-19 sur la population mondiale ne se mesure pas seulement à l’augmentation vertigineuse du nombre de décès, il se lit aussi dans une natalité en berne.
La crainte d’un avenir incertain et les répercussions économiques immédiates de l’actuelle crise sanitaire ont freiné le désir d’enfant, le renvoyant au minimum à plus tard. La première vague de contagion et les confinements du printemps 2020 dessinent donc comme un accroc dans les courbes démographiques neuf mois plus tard, à partir de novembre. « Elle est où, la lumière au bout du tunnel ? » : dans la France confinée pour la troisième fois, la débrouille, les soupirs et les critiques. La France, ses fromages, son Académie, ses traditions, ses paysages, et sa capacité extraordinaire à inventer des règles et des dérogations, puis des dérogations aux dérogations.
Ainsi donc le troisième confinement national, annoncé mercredi 31 mars par Emmanuel Macron lors d’une allocution, a commencé par un week-end de tolérance officielle pour les déplacements au-delà des périmètres de 10 kilomètres et de 30 kilomètres. Face à la troisième vague de l’épidémie de Covid-19, avec désormais 96 000 morts et 28 700 personnes hospitalisées, dont 5 200 en réanimation, le durcissement des règles s’est amorcé, samedi 3 avril, par un assouplissement de ces mêmes règles dans les 19 départements déjà soumis à des restrictions de déplacement afin de permettre à ceux qui le souhaitent de se confiner ailleurs avant la fermeture, mardi, des établissements scolaires. Suivez la journée en direct avec nos reporters sur le terrain.
« Elle est où, la lumière au bout du tunnel ? » : dans la France confinée pour la troisième fois, la débrouille, les soupirs et les critiques. « Mes relations sont comme suspendues » : au temps du Covid-19, des amitiés s’étiolent. L’amitié depuis un an ?
Julie a d’abord commencé par parler des conflits. Le premier a failli lui coûter son amitié vieille de vingt ans avec Sofia. Elle aussi est âgée de 37 ans, mais elle a des enfants et une maison au bord de la mer. En mars 2020, effrayée, comme beaucoup, par la perspective d’être enfermée à Paris, Sofia est partie en Normandie.