background preloader

TH 3Histoire & mémoire

Facebook Twitter

« Nous, petit-fils d’indépendantistes algériens, croyons à la vertu du juste et au travail des historiens » Tribune.

« Nous, petit-fils d’indépendantistes algériens, croyons à la vertu du juste et au travail des historiens »

Lorsque nous avons été approchés, en avril, par la directrice du projet Mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie à l’Elysée, nous avons décidé de nous engager dans un projet réunissant des jeunes descendants de protagonistes de la guerre d’Algérie. Ce travail nous paraissait être un chemin ouvert et partagé vers ce qui serait une reconnaissance des crimes coloniaux. Toutefois, nous étions conscients que cette initiative n’était pas dénuée de velléités politiques, et nous avons fait ce choix en toute conscience. Ce choix a été soupesé, évalué au regard des perspectives d’avenir mais aussi de nos conditions historiques respectives. Massacres du 17 octobre 1961 : « Il s’agit bien d’un plan concerté exécuté pour des motifs politiques et raciaux à l’encontre de civils »

Tribune.

Massacres du 17 octobre 1961 : « Il s’agit bien d’un plan concerté exécuté pour des motifs politiques et raciaux à l’encontre de civils »

Il y a soixante ans, à Paris et en banlieue, les forces de police, dirigées par le préfet Maurice Papon, se livraient à une véritable chasse à l’homme. Selon le rapport du conseiller d’Etat Dieudonné Mandelkern, publié en janvier 1998, plus de 14 000 manifestants algériens, rassemblés pacifiquement à l’appel du Front de libération nationale (FLN) pour protester contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé depuis le 5 octobre, furent arrêtés – presque un sur deux –, frappés souvent et retenus de façon arbitraire pendant plusieurs jours. Par leur ampleur, ces rafles, réalisées entre autres grâce à la réquisition des bus de la RATP, sont sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Lire aussi : 17 octobre 1961 : « Ce massacre a été occulté de la mémoire collective » Un exceptionnel document photographique sur le procès de Nuremberg dévoilé à la Maison d’Izieu. Tiré de l’oubli et soigneusement restauré, un exemplaire original de l’album photographique du procès de Nuremberg a été dévoilé, vendredi 15 octobre, au Musée-mémorial d’Izieu (Ain), à l’occasion d’un colloque consacré aux 75 ans du tribunal militaire international, qui a jugé vingt-quatre hauts responsables nazis impliqués dans la déportation et l’extermination de millions de personnes durant la seconde guerre mondiale.

Un exceptionnel document photographique sur le procès de Nuremberg dévoilé à la Maison d’Izieu

Le volume de 8 centimètres d’épaisseur, relié en cuir, contient 116 photos prises lors des audiences qui se sont déroulées entre novembre 1945 et août 1946. Plusieurs images montrent des scènes peu connues, voire inédites, des coulisses, comme les cellules des détenus, la cantine ou la salle du courrier, qui révèlent l’ampleur de l’organisation de ce procès, premier du genre, matrice de la justice pénale internationale. Lire aussi Article réservé à nos abonnés Rafle des enfants juifs : la maison d’Izieu continue de travailler sa mémoire. Que s’est-il passé le 17 octobre 1961 à Paris ? Empêtrées dans une relation diplomatique fragile et conflictuelle, France et Algérie commémorent, samedi 16 et dimanche 17 octobre, un triste anniversaire.

Que s’est-il passé le 17 octobre 1961 à Paris ?

Il y a soixante ans, le 17 octobre 1961, au moins 120 Algériens ont été tués par la police lors d’une manifestation à Paris. A l’appel de la Fédération de France du Front de libération nationale (FLN), au moins 20 000 Algériens avaient défilé pour défendre pacifiquement une « Algérie algérienne » et dénoncer un couvre-feu imposé à ces seuls « Français musulmans d’Algérie ». Emmanuel Macron s’apprête à reconnaître samedi « une vérité incontestable » lors de la cérémonie officielle pour les 60 ans du massacre, allant plus loin que la « sanglante répression » admise par François Hollande en 2012, a fait savoir l’Elysée vendredi. Pour tenter de mieux comprendre les enjeux de cette commémoration, Le Monde vous explique ce qu’il s’est passé le 17 octobre 1961 et ce que cela a entraîné. Que s’est-il passé ? Mohammed Harbi : « Il faudrait qu’Emmanuel Macron reconnaisse le massacre d’Etat » du 17 octobre 1961. Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien.

Mohammed Harbi : « Il faudrait qu’Emmanuel Macron reconnaisse le massacre d’Etat » du 17 octobre 1961

Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du Monde Afrique. Mohamed Harbi, âgé de 88 ans, est le plus célèbre historien algérien. Cadre du FLN durant la guerre d’indépendance – il fut un expert lors des premières négociations d’Evian (mai-juin 1961) – il dirigea l’hebdomadaire Révolution africaine sous la présidence d’Ahmed Ben Bella avant de basculer dans l’opposition au lendemain du coup d’Etat de Houari Boumediène en 1965. Clifford Chanin : « Partout, les sociétés font un travail de mémoire en lien avec un passé violent »

Clifford Chanin est le vice-président exécutif du 9/11 Memorial and Museum.

Clifford Chanin : « Partout, les sociétés font un travail de mémoire en lien avec un passé violent »

Il dirige également les programmes du musée. C’est dans cet édifice que se sont déroulées les cérémonies commémorant les attentats qui endeuillèrent les Etats-Unis en 2001. Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l’histoire de France » Il y a ce silence, lourd de sens, qui accompagne l’entrée du chef de l’Etat dans la salle des fêtes de l’Elysée.

Emmanuel Macron demande « pardon » aux harkis en reconnaissant leur « singularité dans l’histoire de France »

Un silence chargé de douleurs, de méfiance, de colère mais aussi d’espoir. Un silence qui rappelle que la guerre d’Algérie et ses conséquences tourmentent encore tant d’esprits. Lundi 20 septembre, cinq jours avant la journée d’hommage qui leur est consacrée, Emmanuel Macron a tenu à apaiser les souffrances des harkis et de leurs descendants, en les recevant avec honneur dans ce lieu symbolique. Comment Vladimir Poutine bâillonne les historiens pour mieux réécrire l’histoire de la Russie. En 2019, un jeune avocat, Grigori Vaïpan, avait remporté une remarquable victoire devant la Cour constitutionnelle russe, qui avait tranché en faveur de trois plaignantes âgées, réunies dans un collectif baptisé Les Enfants du goulag.

Comment Vladimir Poutine bâillonne les historiens pour mieux réécrire l’histoire de la Russie

Nées dans un camp de travail comme 1 500 autres survivants de la terreur stalinienne, Alisa Meissner, Elizaveta Mikhailova et Evguenia Chacheva, les trois victimes, réclamaient un droit « au retour ». « Ces personnes vivent toujours en exil intérieur, à des milliers de kilomètres de leur ville natale, parfois dans les mêmes endroits du pays que ceux où leurs familles ont été refoulées il y a des décennies », avait plaidé leur avocat, en s’appuyant sur une loi de 1991 qui avait ouvert la porte aux réparations après avoir reconnu l’époque soviétique comme une période de « terreur et de persécution de masse ».

La décision de la Cour est, elle aussi, restée lettre morte, en dépit d’une pétition de soutien rassemblant 100 000 signatures. Pour l’historien Sébastien Ledoux, Emmanuel Macron « produit un récit héroïque traditionnel lorsqu’il met en avant des figures comme Napoléon » Alors que la France ne cesse de se déchirer sur son histoire coloniale, Sébastien Ledoux, chercheur en histoire contemporaine à l’université de Paris-I - Panthéon-Sorbonne et enseignant à Sciences Po Paris, analyse, dans La Nation en récit des années 1970 à nos jours (Belin, 348 pages, 23 euros), la fabrique de la mémoire collective.

Pour l’historien Sébastien Ledoux, Emmanuel Macron « produit un récit héroïque traditionnel lorsqu’il met en avant des figures comme Napoléon »

Auteur du Devoir de mémoire, une formule et son histoire (CNRS éditions, 2016), l’historien décrypte avec subtilité les ombres et les lumières du récit national français. Comment définiriez-vous ce que vous appelez le « récit national » ? Napoléon : les commémorations du bicentenaire de la mort d’une figure toujours contestée commencent. C’est un anniversaire qui ravive les controverses autour d’une figure complexe et incontournable de l’histoire de France.

Napoléon : les commémorations du bicentenaire de la mort d’une figure toujours contestée commencent

Emmanuel Macron célébrait, mercredi 5 mai, le bicentenaire de la mort de Napoléon. Le 5 mai 1821, l’empereur meurt à l’âge de 51 ans loin des siens et de son pays à Sainte-Hélène, île perdue de l’Atlantique sud où les Britanniques l’ont envoyé en exil après sa dernière défaite, à Waterloo. Guerre d’Algérie : le tabou des viols commis par des militaires français. C’est l’histoire d’un tabou qui n’aurait peut-être jamais été brisé sans le courage d’une femme. Pour en prendre la mesure, il faut remonter au 20 juin 2000. Ce jour-là paraît dans Le Monde un témoignage inédit sur les viols pendant la guerre d’Algérie. Louisette Ighilahriz, une ancienne indépendantiste algérienne, livre les souvenirs qui la hantent depuis des décennies : « J’étais allongée nue, toujours nue (…) Dès que j’entendais le bruit de leurs bottes, je me mettais à trembler (…) Le plus dur c’est de tenir les premiers jours, de s’habituer à la douleur.

Après on se détache mentalement. C’est un peu comme si le corps se mettait à flotter… » Benjamin Stora, les deux rives de la mémoire franco-algérienne. « Un truc de dingue ! » Benjamin Stora raffole de la formule qui se perd vite dans un rire étouffé, nuance baryton-basse. Des « trucs de dingue », l’homme peut en narrer à satiété, car avec sa vie bien remplie, exils et honneurs mêlés, militances et académies croisées, Algérie et France entrelacées, on se fait forcément un peu conteur. Ce jour-là, Benjamin Stora, cheveu en broussaille, reçoit dans son appartement vide du quartier de Montparnasse, à Paris. « Si vous préférez, on peut se voir au cimetière, c’est permis », avait-il plaisanté quand il s’était agi de trouver un lieu de rencontre. Ce fut son domicile tout simplement, appartement dégarni par un déménagement en perspective, cartons empilés au pied de murs nus où se devinent des cadres décrochés, auréoles évanescentes d’un passé sur le départ.