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2019

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Fréquenter les arts pour oxygéner son métier. Le métier d’enseignant se nourrit des expériences vécues hors l’école, dans ces moments où formation permanente et loisirs se confondent.

Fréquenter les arts pour oxygéner son métier

Christine Deschamps, enseignante en espagnol à Tonnerre dans l’Yonne, dessine, joue de la guitare et amène ce qu’elle apprend dans ses cours pour mieux faire apprendre en retour. Et dans son lycée, les pratiques artistiques se fêtent en fédérant. Elle s’est posée au Lycée Chevalier d’Éon de Tonnerre il y a plus de vingt ans, séduite par la taille familiale de l’établissement, dans un monde rural où la culture se vit partout pour peu que le regard se pose sur les multiples initiatives locales. « Un véritable coup de foudre pour la campagne, pour les gens de la campagne » dit-elle. Portrait coopératif. Pour ce dernier portrait de l’année, nous avons emprunté une petite route de campagne pour rejoindre une école rurale tout près de Carcassonne.

Portrait coopératif

Un samedi matin, des professeurs des écoles se retrouvent là pour échanger sur leur métier, enrichir leurs pratiques. Le vent d’hiver reste à la porte, gommé par l’atmosphère chaleureuse d’une journée dédiée à la coopération. Rencontre sous forme de conte d’hiver avec l’ICEM-11 (Institut coopératif de l’école moderne de l’Aude), un collectif pour qui l’école se construit avec le regard des autres.

Le rendez-vous est fixé à dix heures, à Bagnoles (Aude). Ce samedi, comme partout en France, les gilets jaunes fleurissent dans les rond-points et les brasiers croisés sont autant de signes d’une époque émaillée d’accès de colère et de violence. Climat scolaire : ensemble, c’est tout. La vie scolaire est depuis longtemps le lieu éducatif qu’il a choisi, depuis que, surveillant d’externat, il a découvert ce qu’elle revêtait, l’organisation qu’elle supposait pour « mettre les élèves dans de bonnes conditions d’apprentissage ».

Climat scolaire : ensemble, c’est tout

Passer le concours de Conseiller principal d’éducation coule pour lui de source, afin d’aller plus loin, de prendre une part plus importante pour « mettre en musique entre les cours ce qui est nécessaire pour que tout se passe bien en cours ». Militer pour une école qui rend heureux. Elle relie sa façon d’enseigner, de concevoir l’éducation, à la manière qu’avait son père, professeur de mathématiques de vivre son métier, de placer en exergue le respect des élèves et de répéter à l’envi qu’il ne faut jamais se moquer d’eux.

Militer pour une école qui rend heureux

Enseignante, il lui semble avoir toujours voulu l’être depuis le CP. En CM1, elle aime l’école plus fort encore, au contact d’une institutrice qui faisait écrire à sa classe des textes libres. « Je remplissais des cahiers. Elle lisait nos textes le soir et comme évaluation elle les illustrait de dessins en couleurs. REP+ : construire un réseau pour la réussite éducative. Les Réseaux d’éducation prioritaire renforcés (Rep+) lient le collège et les écoles d’un même secteur dans une approche commune de la continuité scolaire.

REP+ : construire un réseau pour la réussite éducative

Valérie Hermant, coordonnatrice d’un REP + à Grigny dans l’Essonne, nous raconte comment ce lien prend vie et se développe entre le primaire et le secondaire au fil des projets, dans une complémentarité qui reconnaît le rôle et la spécificité de tous les acteurs pour mieux viser la réussite éducative. Elle est arrivée sur ce poste il y a plus d’un an après près de vingt-cinq ans de cheminement dans l’éducation. Elle a grandi dans un milieu très modeste, première de sa famille à obtenir le bac. « Très tôt, j’ai su que j’allais devenir institutrice, consciente déjà petite que ce serait une revanche sociale. » De cette revanche, elle a fait un défi, à la limite d’un conflit de loyauté familial, choisissant vite l’autonomie pour poursuivre des études en histoire.

Une bourse lui permet de passer le CAPES. Puiser dans ses expériences. Le jeu pour diversifier les apprentissages. Le métier d’enseignant est souvent solitaire. Pourtant, les collaborations et le travail en équipe sont sources d’apprentissages et de renouvellement des pratiques. Mélanie Fenaert, enseignante en Sciences de la vie et de la Terre, a enrichi son métier dans une salle des profs à la fois virtuelle et réelle. Elle a ainsi exploré la classe inversée, le jeu sérieux et les escape games, partageant à son tour son expérience.

Rencontre avec une enseignante pour qui le jeu est une façon d’apprendre ensemble. Au début de sa carrière, elle a tâtonné, se conformant à un enseignement classique sans trouver la façon de transmettre qui attirerait l’attention qu’elle espérait sur sa matière. S’entraider c’est apprendre. Pour enseigner en collectif et apprendre en mode coopératif, cinq professeures du collège Saint-Exupéry à Ambérieu-en-Bugey dans l’Ain, sont allées voir du côté des accorderies et de l’économie sociale et solidaire.

S’entraider c’est apprendre

Elles nous racontent un projet dont l’entraide est la clé de voûte. Elles sont cinq à mener ce projet, âgées de 35 à 55 ans, enseignant dans des matières différentes. Véronique Bonjour enseigne depuis trente-quatre ans le français. Elle aime mener des projets artistiques et culturels car, dit-elle, « la notion de projet me tient à cœur ». Isabelle Balandrat est professeure de sciences-physiques, « très engagée dans le développement durable, une véritable militante », qui met en œuvre un club développement durable hors temps de cours, invite un réalisateur et des enfants du Ladakh (Inde) pour rencontrer ses élèves de 6e et 5e.

Le projet est né de coïncidences. Un projet interdisciplinaire. Différencier n’est pas dévaluer. Les réseaux sociaux, dans leur versant intelligent, se font l’écho d’initiatives et d’échanges autour des usages du numérique.

Différencier n’est pas dévaluer

Gilles Tisseraud, professeur des écoles, puise dans cette gigantesque salle des profs des idées pour enrichir sa pratique et donner en retour des échos de ses projets. Il nous raconte sa façon d’investir le potentiel du numérique pour favoriser l’accès aux apprentissages de tous les élèves. Il enseigne depuis vingt-deux ans, une vocation pour lui qui voulait dès 13 ans travailler auprès des enfants.

L’humilité du chef d’orchestre. « Être bienveillant sans exclure l’exigence » Sébastien Tavergne, proviseur du lycée des métiers du bâtiment de Cormeilles-en-Parisis (Val-d’Oise), nous raconte son métier comme celui d’un chef d’orchestre soucieux de son établissement comme de tous ceux qui y vivent et l’animent.

L’humilité du chef d’orchestre

Très vite, il a eu envie de devenir personnel de direction. Professeur certifié en génie électrotechnique pendant six ans, il a vécu les changements de la voie professionnelle, mis en place des projets avec ses collègues et a vu dans la fonction de direction une possibilité d’exercer un métier où la diversité est de mise et l’imprévu la règle. Il commence en tant que principal adjoint de collège dans le souci de découvrir un niveau jusque-là inconnu en dehors de ses souvenirs d’élève. La vivacité de la langue en héritage. Je ne connaissais pas Paul Rivenc, tout comme Catherine Mendoça Dias, l’enseignante de FLE qui m’a donné envie d’écrire ce portrait en m’envoyant ces mots : « Me concernant, je ne connaissais pas Paul Rivenc personnellement (seulement en bibliographie...), mais je trouve son parcours marquant tandis qu’il me semble toujours un peu étrange que partent dans l’ombre épaisse des personnalités emportant avec elles des histoires qui se diluent dans les mémoires, voire des maillons épistémologiques. » Sa rencontre à titre posthume a confirmé le propos.

La vivacité de la langue en héritage

Marie-Madeleine Rivenc, sa seconde épouse, Daniel Coste et Pierre Escudé, universitaires en didactique des langues et amis, m’ont raconté l’homme et l’enseignant, le défricheur et le transmetteur, avec dans leur voix l’émotion contenue d’une disparition proche. Il est né dans les tumultueuses années 20 à Carmaux, la contrée de Jean Jaurès, entre esprit républicain et dominante catholique. Échos de la défiance. Sur la carte de la mobilisation contre la loi pour l’école de la confiance, la ville de Nantes s’affiche comme un lieu particulièrement actif.

Échos de la défiance

Deux professeurs des écoles nantais, Hélène Arzo et Reno Geng Ortoli témoignent de leur engagement, de leurs craintes d’un système éducatif accentuant les inégalités. Tous les deux enseignent dans ou à la lisière d’un réseau d’éducation prioritaire, par choix, motivés par le sentiment que dans ces écoles l’éducation joue un rôle encore plus important qu’ailleurs. La classe de Reno est un CP-CE1-CE2 dans un établissement où la pédagogie Freinet est mise en œuvre et où la mixité sociale est bien présente. Débuter une nouvelle fois. « Le passage au professorat n’est pas plus spectaculaire que ce que j’ai fait avant », dit-il. Dans son parcours, il a été successivement technicien du son, commerçant dans une boutique alimentaire lyonnaise spécialisée dans la promotion des circuits courts et l’agriculture paysanne, technicien du spectacle puis de radio.

Est ce la recherche d’une vie stable, l’attrait d’un univers qu’il connaissait par son entourage où il compte de nombreux enseignants, la transmission et les échanges de savoirs vécus lors de ses expériences précédentes, il ne saurait le préciser, préférant parler de faisceau de raisons plus que de vocation. « Il n’y a jamais une raison toute seule, je me projetais bien dans ce monde-là. » Il envisage le métier de prof comme ceux qu’il a exercés précédemment, avec l’envie de le faire bien.

Titulaire d’une licence de mathématiques, il reprend des études longtemps après les avoir laissées de côté faute de motivation tenace. Au-delà de la transmission Monique Royer. Les fenêtres ouvertes de l’école rurale. Cette semaine, nous partons à la campagne avec Mélanie Bonnet, unique professeure dans son école d’Indre-et-Loire. Elle y enseigne pour sa première année de titularisation, dans un contexte empreint des traces d’une politique éducative qui désertifie. Rencontre avec une néo-enseignante rurale par choix et enthousiaste par nature.

Elle vient d’un autre milieu, celui de la culture, et a choisi le métier d’enseignante en cherchant à retrouver le sens de son activité, en faisant le lien avec l’éducation populaire. Elle travaillait déjà en milieu rural, organisant des actions culturelles et accompagnant des bénévoles pour trouver les moyens de les financer. Au bout de trois ans, elle doute, constate que les valeurs d’ouverture culturelle qu’elle défendait sont passées au second plan, que son travail se résumait à organiser des spectacles sans ce supplément d’âme qui fait les beaux projets. Retour au rural École de campagne Pas si seule La classe de l’école Cultiver les échanges pédagogiques. Enseignant en lycée pro : une profession à part entière. Pour compter les idées reçues sur le lycée professionnel, dix doigts ne suffiraient sans doute pas. Les enseignants, qui choisissent d’y exercer ou que le hasard des mutations a orientés là, n’y échappent pas.

Pourtant, leur métier est dense et riche des croisements entre les ateliers professionnels et l’enseignement général, de la diversité des publics aussi. Sabine Coste, enseignante à l’ESPE de Chambéry et co-auteure de l’ouvrage Bien débuter en lycée professionnel, s’intéresse depuis de nombreuses années à ce métier et nous raconte sa professionnalité. Enseignante en éducation physique et sportive (EPS) depuis 1980, elle découvre les particularités du lycée professionnel après avoir exercé dans un collège de l’éducation prioritaire en milieu rural.

Situé au centre ville de Valence, l’établissement accueille des sections aussi diverses que la bijouterie, la menuiserie ou le secrétariat-comptabilité. Une vie éducative. À quelques mois de la retraite, Daniel Comte raconte son voyage dans l’éducation mené depuis l’Hérault jusqu’à l’Île de La Réunion. Son récit retrace une épopée où, sous le sceau de la créativité pédagogique, l’école s’invente et s’ouvre. Rencontre avec un arpenteur d’une éducation au sens large et engagé. Il a connu l’école jeune, à deux ans, et s’y est engouffré comme dans un havre où la soif d’apprendre est sans cesse apaisée. Il vivait alors au sein d’une famille modeste dans une cité près de Montpellier. Ni dedans, ni aux alentours, les livres et les savoirs ne se partageaient. Ses opinions politiques s’affirment, nous sommes peu après Mai 68. Priorités. Les tribulations d’une professeure des écoles au pays de l’Éducation (...) La médiation de la voltige équestre. Fabienne Kutten, équicienne, accueille dans son centre équestre des enfants en difficulté passagère ou souffrant de handicaps tels que des troubles du comportement et de la conduite.

Elle nous raconte comment la relation particulière à l’animal permet de mieux communiquer avec les autres à condition que le cadre et les méthodes soient pensés et maîtrisés. « On ne vient pas aux animaux par hasard ». Elle lie son attrait pour la médiation animale à son expérience de petite fille lorsqu’elle se fit fort d’apprivoiser le chien berger allemand réputé méchant de son beau-père. Plaidoyer pour la solidarité éducative. Raconter les migrants. David Delhommeau est professeur en économie-gestion au lycée Edouard-Herriot de Voiron en Isère après une première carrière dans le secteur de la solidarité internationale.

En changeant de métier, il n’a pas pour autant délaissé ce thème qui lui est cher. La puissance pédagogique du théâtre.