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Le monde diplomatique

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503 Service Unavailable. La formule « pour raisons de sécurité » (« for security reasons », « per ragioni di sicurezza ») fonctionne comme un argument d’autorité qui, coupant court à toute discussion, permet d’imposer des perspectives et des mesures que l’on n’accepterait pas sans cela.

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Il faut lui opposer l’analyse d’un concept d’apparence anodine, mais qui semble avoir supplanté toute autre notion politique : la sécurité. On pourrait penser que le but des politiques de sécurité est simplement de prévenir des dangers, des troubles, voire des catastrophes. Une certaine généalogie fait en effet remonter l’origine du concept au dicton romain Salus publica suprema lex (« Le salut du peuple est la loi suprême »), et l’inscrit ainsi dans le paradigme de l’état d’exception. Quoique correcte, cette généalogie ne permet pas de comprendre les dispositifs de sécurité contemporains. Prévenir les troubles ou les canaliser ? Prenons deux exemples pour illustrer cette apparente contradiction. Après les tueries à Paris (Le Monde diplomatique, 15 janvier 2015) Choisir ses combats, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, février 2015) Août 1914 : l’union sacrée.

Choisir ses combats, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique, février 2015)

En France comme en Allemagne, le mouvement ouvrier chancelle ; les dirigeants de la gauche politique et syndicale se rallient à la « défense nationale » ; les combats progressistes sont mis entre parenthèses. Difficile de faire autrement alors que, dès les premiers jours de la mêlée sanglante, les morts se comptent par dizaines de milliers. Qui aurait entendu un discours de paix dans le fracas des armes et des exaltations nationalistes ? En juin, en juillet peut-être, il restait possible de parer le coup. Un siècle plus tard, nous en sommes là. Un dessinateur est-il libre de caricaturer le prophète Mohammed ? L’assassinat de douze personnes, en majorité journalistes et dessinateurs, le 7 janvier dernier dans les locaux de Charlie Hebdo, puis de quatre autres, toutes juives, dans un magasin kasher a suscité un sentiment d’effroi.

Le Monde diplomatique, février 2015. Charlie à tout prix. Ce texte est tiré d’une intervention à la soirée « La dissidence, pas le silence !

Charlie à tout prix

», organisée par le journal Fakir à la Bourse du travail à Paris le 12 janvier 2015. Lorsque le pouvoir de transfiguration de la mort, ce rituel social qui commande l’éloge des disparus, se joint à la puissance d’une émotion commune à l’échelle de la société tout entière, il est à craindre que ce soit la clarté des idées qui passe un mauvais moment. Il faut sans doute en prendre son parti, car il y a un temps social pour chaque chose, et chaque chose a son heure sociale sous le ciel : un temps pour se recueillir, un temps pour tout dire à nouveau. Mais qu’on se doive d’abord à la mémoire de ceux qui sont morts n’implique pas, même au plus fort du traumatisme, que toute parole nous soit interdite.

. « Je suis Charlie ». Mais l’émotion n’a été si considérable que parce qu’il était perceptible à tous que ce qui venait d’être attaqué excédait évidemment les personnes privées. Alors « union nationale » ? Sur les sentiers escarpés de la lutte armée, par Laurent Bonelli. « Aujourd’hui, derrière chaque mort, je vois une personne, un individu.

Sur les sentiers escarpés de la lutte armée, par Laurent Bonelli

Toutes ces victimes, même indirectes, je les porte en moi. Car je suis de ceux qui ont proposé, décidé, émis les sentences. Ma responsabilité est judiciaire, politique et morale. J’assume les trois. » Ainsi se clôt La Prima Linea, film inspiré par l’autobiographie de M. Sergio Segio, l’un des fondateurs de ce groupe italien engagé dans la lutte armée à la fin des années 1970 (1). Ce regard plus compréhensif n’est pas partagé par tous. Ce regain d’intérêt reste toutefois modeste en regard de la prolifération des écrits sur le « terrorisme islamiste », qui accapare désormais l’essentiel de la discussion sur la violence politique. Improbable « terroristologie » Cette avalanche de papier demeure décevante. La difficulté de l’enquête n’explique néanmoins pas tout. Comprendre la « violence politique » impose d’abord de mettre en doute l’apparente unité du phénomène. Symptômes du 11-Septembre, par Giovanna Borradori (Le Monde diplomatique, février 2004)

Si Jürgen Habermas pense que la raison, qui permet une communication transparente et sans manipulation, est susceptible de guérir les maux de la modernisation – parmi lesquels l’intégrisme et le terrorisme –, Jacques Derrida estime que ces tensions destructrices peuvent être détectées et nommées, mais non entièrement contrôlées ni vaincues.

Symptômes du 11-Septembre, par Giovanna Borradori (Le Monde diplomatique, février 2004)

Habermas met en cause la vitesse à laquelle la modernisation s’est imposée, et la réaction de défense qu’elle a provoquée au sein des modes de vie traditionnels, quand cette réaction de défense est, aux yeux de Derrida, le produit même de la modernité. Qu’est-ce que le terrorisme ?, par Jacques Derrida (Le Monde diplomatique, février 2004) Giovanna Borradori. – Que le 11 septembre soit ou non un événement d’importance majeure, quel rôle assignez-vous à la philosophie ?

Qu’est-ce que le terrorisme ?, par Jacques Derrida (Le Monde diplomatique, février 2004)

Est-ce que la philosophie peut nous aider à comprendre ce qui s’est passé ? J. D. – Sans doute un tel « événement » requiert-il une réponse philosophique. Mieux, une réponse qui remette en question, dans leur plus grande radicalité, les présuppositions conceptuelles les mieux ancrées dans le discours philosophique.