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La déradicalisation

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Dounia Bouzar, mamma fracas. Dans sa vie, elle a claqué beaucoup de portes.

Dounia Bouzar, mamma fracas

Jamais discrètement. Plutôt avec fracas. Et parfois même avec panache. Banalement, on pourrait dire que c’est une femme de caractère. Dounia Bouzar indéniablement en a. Chez elle, il y a aussi du courage, beaucoup, comme peu de gens en ont, surtout en ce moment. Pourtant, elle ne lâche rien de ses convictions. «Dounia a toujours été très sûre d’elle, ne se remet pas en question dans cet univers compliqué du religieux», pointe Bernard Godard, l’ex-monsieur islam du ministère de l’Intérieur, qui suit son itinéraire depuis une quinzaine d’années. Alors Dounia Bouzar est capable de brûler ses vaisseaux. Courtisée, par tous, elle est désormais tombée en disgrâce après avoir mis fin avec fracas, en février 2016, à son travail avec le ministère de l’Intérieur. Mais face à l’adversité, l’anthropologue a toujours été pugnace. Sa grille de lecture du conflit qu’elle traverse est politico-religieuse. Bernadette Sauvaget. Déradicalisation, la lutte à tâtons.

L’aveu est unanime et d’autant plus inattendu qu’il émane de pouvoirs publics plus habitués aux déclarations pleines de certitudes qu’aux assauts de modestie.

Déradicalisation, la lutte à tâtons

En matière de prise en charge de la radicalisation islamiste, la France tâtonne. Du ministère de l’Intérieur à celui de la Justice, du monde universitaire aux structures associatives, on le reconnaît sans peine : aujourd’hui, chacun «expérimente» avec «humilité» pour tenter d’appréhender et de prévenir le jihadisme. «Il y aura des réussites et des échecs», anticipe le député socialiste Sébastien Pietrasanta, qui a contribué à plusieurs rapports sur le sujet depuis 2014. C’est à cette époque que les pouvoirs publics réalisent qu’ils vont être confrontés à un phénomène nouveau : le départ de centaines de personnes - hommes, femmes et enfants - vers la zone de combat irako-syrienne, attirés par l’Etat islamique. 1 400 détenus considérés comme radicaux Car chacun en est conscient : la réponse sécuritaire ne suffira pas.

Faire le tri. LEA : comment j'ai été endoctrinée... Déradicalisation : premier échec pour la méthode "Dounia Bouzar" Elle avait fait de Léa, une jeune adolescente de 17 ans qui projetait de se faire exploser devant une synagogue de Lyon en 2014, un emblème de sa méthode de "déradicalisation".

Déradicalisation : premier échec pour la méthode "Dounia Bouzar"

Léa, un nom d’emprunt, a en effet été l’une des premières à être suivie par la très médiatique anthropologue Dounia Bouzar, qui s’est rapidement imposée comme une référence pour les pouvoirs publics, notamment pris de court par l’afflux des départs en Syrie. A travers son Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI), Dounia Bouzar a ainsi multiplié les entretiens de déradicalisation avec l’intéressée (voir la vidéo promotion de l'un de leurs échanges), qui suivait en parallèle une formation dans le domaine du social et avait accepté un suivi psychologique. Officiellement, Léa présentait donc tous les signes d’une réinsertion réussie. Très entourée, y compris par sa famille, cette dernière est pourtant parvenue "à duper tout le monde". Un audit du dispositif Bouzar. « Un marché opaque de la déradicalisation est en train d’apparaître en France » Asiem El Difraoui, politologue et spécialiste du djihadisme, estime que le dispositif de déradicalisation à l’étude en France « n’est pas encore assez fonctionnel ».

« Un marché opaque de la déradicalisation est en train d’apparaître en France »

Après les attentats de janvier et de novembre 2015, la lutte contre la radicalisation islamiste est affichée comme une priorité par le gouvernement. La France prépare la création de plusieurs centres pour accueillir djihadistes de retour de Syrie et jeunes radicalisés, et des programmes de déradicalisation devraient se mettre en place à partir du 25 janvier dans deux quartiers des prisons d’Osny (Val-d’Oise) et Lille-Annœullin (Nord). Pourtant, dans les domaines de la prévention et de la déradicalisation, la France est moins expérimentée que ses voisins européens, argumente le politologue et spécialiste du djihadisme Asiem El Difraoui, coauteur d’une étude comparative sur les modèles allemand, britannique et danois pour le Comité interministériel de la prévention de la délinquance (CIPD).

Comment la déradicalisation, devenue un business, laisse prospérer des structures peu sérieuses. 100 millions d’euros : c’est la somme que le gouvernement va débloquer, sur trois ans, pour lutter contre la radicalisation.

Comment la déradicalisation, devenue un business, laisse prospérer des structures peu sérieuses

Une somme importante, annoncée le 24 octobre 2016 par Manuel Valls, qui a pour conséquence l’émergence d’un marché de la "déradicalisation". Aujourd’hui, près de 80 structures – associations ou entreprises – ont investi ce secteur et chassent les subventions. Le problème est qu’elles ne présentent pas toutes des garanties de sérieux et de professionnalisme. Depuis les attentats de Paris et Saint-Denis, la demande en matière de prévention de la radicalisation explose. Collectivités locales, préfectures, Éducation nationale ou encore grandes entreprises sollicitent des associations afin qu’elles les sensibilisent à cette nouvelle problématique. Certaines de ces structures se voient confier des missions bien plus sensibles : prendre en charge des jeunes radicalisés.