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Islamophobie ou prolophobie ?, par Benoît Bréville (Le Monde diplomatique, février 2015)

Islamophobie ou prolophobie ?, par Benoît Bréville (Le Monde diplomatique, février 2015)
Au lendemain des assassinats perpétrés à Charlie Hebdo et dans le magasin Hyper Cacher, des élèves ont refusé d’observer la minute de silence en hommage aux victimes. Un des arguments avancés par les récalcitrants touchait aux « deux poids, deux mesures » de la liberté d’expression en France : pourquoi parle-t-on autant de cette tuerie alors que des gens meurent dans l’indifférence au Proche-Orient ? Pourquoi Charlie Hebdo pourrait-il injurier une figure sacrée de l’islam quand Dieudonné se voit interdire de critiquer les juifs ? La question est jugée si cruciale que Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, a estimé, le 15 janvier dernier, qu’il était nécessaire de former les enseignants pour y répondre. Ce fonctionnement de la liberté d’expression est interprété de diverses manières. La situation actuelle des juifs et des musulmans fait écho, par certains aspects, à celle des migrants russes et arméniens de l’entre-deux-guerres. Les Arméniens, par exemple. Related:  Définition, analysesEn parler à l'école

« Le 'musulman modéré', une version actualisée du 'bon nègre' » Pour notre chroniqueur Ahmed Benchemsi, qualifier de « musulmans » les cinq millions de Français originaires d’Afrique du Nord ou de l’Ouest est un hold-up sur leur identité. Dès que la nouvelle du massacre tragique de Charlie Hebdo s’est répandue, la condamnation de l’horreur a été accompagnée, comme d’une sœur jumelle, par la mise en garde contre « l’amalgame ». François Hollande comme Nicolas Sarkozy ont utilisé ce mot. Ce discours n’est pas nouveau. Quand on dit « les cathos », on pense à une minorité de culs-bénits en marge du consensus social. Sauf qu’en les qualifiant de « musulmans », on les singularise déjà. L’islam, c’est d’une ridicule évidence, n’est inscrit dans le patrimoine génétique de personne. Bien sûr, il y a parmi ces populations des « vrais » musulmans. Le discours ambiant ne leur laisse le choix qu’entre extrémisme et « islam modéré », alors ils prennent le second, faute de mieux – ou se révoltent en flirtant avec le premier.

Autour de l’école, le jeu trouble des élites dirigeantes | Journal d’un prof d’histoire Parallèlement à la charge débridée lancée contre l’école, les attentats de janvier ont fait resurgir dans le débat public le sentiment très ambivalent qu’une partie de l’opinion entretient avec la jeunesse. Plutôt que de se remettre eux-mêmes en cause, les politiques quasi unanimes, complaisamment relayés par les sondages et les médias, ont trouvé leur bouc émissaire. Par un de ces détournements qui n’ont pas fini d’étonner, l’éducation s’est ainsi trouvée chargée ces dernières semaines d’une responsabilité tacite, sinon dans l’accomplissement direct d’un acte de violence, du moins dans on ne sait trop quelle faillite intellectuelle et morale dont elle serait l’expression : les réticences de certains élèves face au rituel forcé d’une communion quasi religieuse, grossièrement gonflées, ont ainsi été dénoncées comme le signe d’un défaut d’intégration de toute une classe d’âge à une hypothétique communauté nationale, assimilée un peu vite à la société. La vie en société s’apprend à l’école

François Burgat : "Un bon musulman pour les français c'est un musulman qui n'est plus musulman" François Burgat, politologue, directeur de recherche à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), était reçu le 12 janvier 2016 à l’Assemblée Nationale par des parlementaires lors d’une commission d’enquête sur l’organisation jihadiste “Etat Islamique”. Loin des “islamologues” faussaires, nouvelle profession en vogue, Burgat pointe la situation délicate dans laquelle se trouve la communauté musulmane. Il évoque notamment l’instrumentalisation de l’islam par les politiques et les médias qui mettent en avant des individus controversés afin de relayer une vision coloniale de l’Islam. Il revient aussi sur l’européocentrisme de la classe politique et des experts français qui refusent de reconnaître les acteurs musulmans à partir du moment où ces derniers tiennent un discours indépendant et cohérent. La politique intérieure française se reflète à l’étranger et notamment en Syrie. Audition complète :

Adresse aux intellectuels, journalistes, romanciers et à toutes celles et tous ceux qui croient connaître les jeunes des quartiers populaires Ceci est un texte collectif qui émane du collectif Aggiornamento. La mouture initiale est de Hayat el Kaaouachi Il a été ensuite soumis à signatures de façon plus large Mesdames, Messieurs, Ceci est une invitation. Entre vous et nous, les désaccords peuvent être nombreux, radicalement ancrés dans des conceptions bien différentes de la France et de la République. Entre vous et nous, les mots s’écharpent tant le fossé peut être profond. Nous vous proposons de partager cette expérience. Loin de nous l’idée de vous faire la leçon ou de vous convertir. Mais vous serez dans la vraie vie. Nous serons là aussi. Or, jour après jour, nous sommes témoins de ces plaies, de ces failles qui aspirent certains, de ces absences et démissions nombreuses d’une République plus centrale que périphérique. Mesdames, Messieurs, les jeunes des quartiers populaires méritent mieux que vos discours lointains, ils méritent qu’on leur parle en face. Votre République, notre République, c'est la leur. Lycée E.

Deltombe : « L’islamophobie, un instrument de pouvoir qui permet de reformuler le racisme d’antan » Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en janvier 2015, le nombre d’actes islamophobes en France s’est sensiblement accru. Dans ce pays où vivent quelque cinq millions de musulmans, soit la plus grande communauté musulmane d’Europe, le nombre d’actes islamophobes au premier semestre 2015 a augmenté de 281 %, selon les chiffres de l’Observatoire national contre l’Islamophobie (ONCI). Depuis les attentats du 13 novembre, 222 actes islamophobes ont été enregistrés par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Pourtant, si ces chiffres indiquent un regain inquiétant, l’islamophobie qu’ils supposent n’est en rien un phénomène nouveau. C’est en tout cas ce que soutient le journaliste et essayiste Thomas Deltombe, auteur de L'Islam imaginaire : la construction médiatique de l'islamophobie en France (1975-2005), aux éditions La Découverte (2005), ouvrage dans lequel il interroge la construction médiatique et politique de la figure du musulman en France.

Entendu à 8 ans pour apologie du terrorisme : que s'est-il vraiment passé ? L'audition d'un enfant de 8 ans mercredi dans le cadre d'une audition libre au commissariat de Nice (Alpes-Maritimes) pour "apologie d'acte de terrorisme" suscite la polémique, jeudi 29 janvier. Pourquoi un élève de CE2 s'est-il retrouvé interrogé par des policiers ? Qu'a-t-il vraiment dit ? Quelle a été l'attitude de son père, qui fait l'objet d'une plainte de l'école ? Eléments de réponse. # Qu'a dit précisément l'enfant ? Le 8 janvier dernier, un débat est organisé dans une classe de CE2 de Nice après l'attaque survenue la veille à "Charlie-Hebdo". Interrogée sur BFMTV, Fabienne Lewandowski, directrice-adjointe de la sécurité publique des Alpes-Maritimes, assure que l'enfant a ajouté : "Il faut tuer les Français. Selon le rectorat, il aurait également refusé de participer à la minute de silence en mémoire aux victimes. # Que s'est-il passé ensuite ? La version du rectorat Interrogé, le rectorat donne une version des faits très succincte. La version de l'avocat # Et maintenant ?

Frantz Fanon et l'islamophobie contemporaine Images de propagande réalisées à la veille de la Première Guerre mondiale. A gauche : « Le général Lyautey s’est rendu à Marrakech en automitrailleuse » (Le Petit Journal, 13 octobre 1912). A droite : « À Marrakech, le caïd El Glaoui et son frère reçoivent la croix de la Légion d’honneur des mains du général Lyautey » (Le Petit Journal, 27 octobre 1912). Racisme, guerre, colonialisme Pour lire Fanon, il semble utile de se souvenir du contexte historique dans lequel il a écrit et agi, c’est-à-dire une période assez courte : les années 1950. Racisme Fanon l’a parfaitement expliqué, et cela est connu : la race n’est pas fondée biologiquement, il s’agit d’une construction sociale – ayant des implications mentales – élaborées dans et par les sociétés racistes. « Le racisme vulgaire dans sa forme biologique correspond à la période d’exploitation brutale des bras et des jambes de l’homme. Si les formes du racisme évoluent, le fond, lui, demeure. Guerre Colonialisme La culture comme arme

L’école après Charlie : on a mis le doigt dans un engrenage pervers Tribune C’est sans doute la première fois de ma carrière que je me sens inquiet, et peut-être même menacé, dans l’exercice de mon métier de professeur de philosophie. Par qui suis-je inquiété ? Par des élèves, souvent présentés comme incultes et enfermés dans leurs préjugés ? Qui donc est alors responsable de ce « sentiment d’insécurité » qui m’empêche d’exercer sereinement mon métier ? Après les attentats des 7, 8 et 9 janvier, notre ministère et ses administrateurs ont brutalement pris conscience du fait que l’école n’était peut-être pas qu’un outil de formation technique des futurs travailleurs, mais qu’elle pouvait aussi, éventuellement, jouer un rôle dans le développement de l’homme et du citoyen. J’ai un scoop pour Mme la ministre Mme Vallaud-Belkacem et ses conseillers se sont soudainement écriés d’une seule voix : « Il faut trouver des moyens d’inculquer aux élèves et aux professeurs (incompétents) les valeurs de la République ! Comme face à une copie farfelue

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