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Big history et histoire environnementale

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De quoi l’Anthropocène est-il le nom. À propos de : BONNEUIL Christophe et FRESSOZ Jean-Baptiste [2013], L’Événement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, collection « Anthropocène ». L’histoire environnementale a le vent en poupe. À la suite de l’éditeur Champ Vallon et de sa collection « L’environnement a une histoire », plusieurs éditeurs se lancent dans des collections dédiées à ce thème. Le Seuil se distingue en inaugurant une collection « Anthropocène », dans laquelle paraissent simultanément trois titres – L’Événement Anthropocène ; Les Apprentis Sorciers du climat ; Toxique planète.

Le premier volume est rédigé par les directeurs de cette collection, Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz. Il fait office de manifeste, et son argumentaire s’inscrit dans une histoire globale de l’environnement. Trois étapes, un éveil des consciences… L’Anthropocène est un terme récent, formulé pour la première fois en février 2000 par le Néerlandais Paul J. Ou une fable ? Les enjeux d’une déconstruction. L’environnement global. L’histoire de la mondialisation, qui est inscrite au cœur même de l’histoire globale, se divise en deux grandes écoles : les uns privilégient le temps long et situent le tournant majeur de l’intégration de l’espace-Monde au tournant du 15e et du 16e siècle, avec le « désenclavement du Monde » ; les autres, au contraire, considèrent que la mondialisation est irrémédiablement un phénomène récent, qui remonterait au plus loin au dernier tiers du 19e siècle, mais plus certainement à la deuxième moitié du 20e siècle ‒ c’est la posture adoptée en particulier par Bruce Mazlich, fondateur de la New Global History (Mazlich, 2006).

Alors que je m’inscrirais plutôt dans la première perspective (Capdepuy, 2011), j’adopterai ici la seconde en prenant pour sujet d’étude la question environnementale : comment celle-ci a-t-elle contribué à la constitution d’une société-Monde en voie de formation au cours des années 1960-1970 ? Le choix du texte lui-même tient en partie au hasard de ma bibliothèque. L’environnement, pierre d’achoppement de l’histoire ? Le changement environnemental est le fait majeur de l’histoire mondiale de ce dernier siècle, affirme l’historien états-unien John R. McNeill dans un livre récemment traduit en français [McNEILL, 2010]. Car l’espèce humaine a affecté son biotope à l’échelle planétaire, et ce changement est, sur certains points, irréversible.

Si Albert Einstein professait que « Dieu ne joue pas aux dés », l’auteur défend pour sa part que « l’humanité a commencé à jouer aux dés avec la planète sans connaître toutes les règles du jeu ». La thèse semble aujourd’hui classique. Ce livre a connu, il est intéressant de le noter, un destin éditorial identique à celui d’un autre best-seller, Une Grande Divergence de Kenneth Pomeranz. McNeill souligne que les systèmes naturels, tout comme les sociétés humaines, sont affectés par des « seuils ».

Le livre foisonne d’exemples. McNEILL John R. [2010], Du nouveau sous le Soleil. BARD Édouard (dir.) [2006], L’Homme face au climat, Collège de France/Odile Jacob. Big History et histoire environnementale : à quelle échelle étudier l’histoire ? Les changements climatiques et les cycles du système-monde. Le système-monde qui se met en place à partir du début de l’ère chrétienne dans l’Afro-Eurasie connaît un développement qui passe par quatre cycles jusqu’au XVIIe siècle, cycles en partie initiés par des changements climatiques que l’on peut considérer comme faisant partie d’une logique systémique (cf. mon schéma sur la « Logique cyclique des systèmes-mondes avant le XVIe siècle », dans l’article « La théorie du système-monde appliquée à l’ensemble afro-eurasien [IVe siècle av.

J. -C. – VIe s. ap. J. -C.] » publiée sur ce blog le 15 février 2010). Ceci est déjà vrai pour l’Âge du Fer dans les trois systèmes de tailles plus restreintes que l’on peut distinguer dans l’Ancien Monde, avec des replis globaux vers 850 et 200 av. J. -C. La reconstruction d’une histoire du climat et des environnements est rendue possible par les recherches palynologiques, la dendrochronologie, l’étude de carottages glaciaires ou coralliens. BOND, G., KROMER, B., BEER, J., MUSCHELER, R., EVANS, M.

CROWLEY, T. Ce que l’Homme a fait de l’Australie. Dans son livre Australia’s Mammal Extinction [2006], le biologiste Chris Johnson se demande pourquoi, quand on énumère toutes les disparitions attestées d’espèces de mammifères survenues depuis deux siècles, près de la moitié ont pris place en Australie. Ce qui l’amène à remonter à l’arrivée des premiers hommes sur ce continent, attestée à partir de – 53 000. Cette irruption a-t-elle bien, comme on le suppose communément, provoqué l’extinction de la mégafaune ? D’où le surtitre : A 50 000 Year History. Au fil d’une belle enquête mêlant histoire environnementale et archéologie, il en arrive à la conclusion que, oui, c’est bien l’homme qui est responsable de ces deux vagues d’extinction – et que, pire encore, il serait une des principales causes de l’aridification générale de l’Australie.

Arguments à l’appui. Un écosystème de survie L’Australie est, en termes de relief, le plus érodé de tous les continents. Une biodiversité érodée Il y a 10 000 ans, le niveau des mers commence à remonter. Trois nuages. Un volcan islandais vient d’infliger à l’Europe occidentale un exercice pratique d’antimondialisation. Le blocage des transports aériens qui en résulta ne pouvant pas être longtemps traité selon la rhétorique ordinaire des « usagers pris en otage », faute de responsables connus, il fallait bien pour les commentateurs inventer autre chose. On disserta donc sur la fragilité de nos sociétés modernes, menacées par les excès du principe de précaution et vulnérables au fameux « effet papillon » ; certains se risquèrent même à méditer sur la « leçon de lenteur » donnée par le nuage, prônant une sorte de décroissance dans la connexion simultanée des espaces mondiaux. Comme souvent en pareil cas, l’hébétude et le désœuvrement font naître un appétit d’histoire : on s’empressa donc de chercher des précédents.

L’éruption du Laki le 8 juin 1783 faisait naturellement le candidat le plus sérieux à la concordance des temps. L’histoire des contemporanéités est peut-être son objet véritable.