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Evaluation

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Editorial entier. Blanquer veut faire basculer l'école dans la culture de l'évaluation. «L’évaluation, une obsession» L’évaluation n’est pas qu’une méthode de management, c’est devenu un mode d’organisation qui s’est propagé dans tous les secteurs d’activité, du jeu télévisé à l’action politique.

«L’évaluation, une obsession»

Psychanalyste, maître de conférences en sciences des organisations à l’université de Lille-I, Bénédicte Vidaillet vient de publier Evaluez-moi ! (1), essai sur la nouvelle obsession du siècle. L’évaluation est une méthode utilisée depuis longtemps. Qu’est-ce qui a changé ces dernières années ? En trente ans, cette pratique s’est diffusée dans toutes les organisations. Pourquoi une telle prolifération ? L’idéologie de l’évaluation ne se développe pas à notre insu. Un homme qui évalue. Une journée imaginaire dans la vie d’un chercheur précaire.

Imagine vivre dans un monde où l’évaluation est partout.

Un homme qui évalue. Une journée imaginaire dans la vie d’un chercheur précaire

Tu es dans une ville européenne, mais tu pourrais être aussi aux États-Unis, l’important est que tu sois quelque part en Occident, dans un état soi-disant libéral, et que tu sois là pendant ces années, pendant ces jours. Imagine être en Italie, à Milan, à Rome, ou bien – pourquoi pas ? – à Trieste. Mais tu pourrais être aussi en France, imagine, par exemple, d’être à Paris. Tu es l’un des très nombreux Italiens qui habitent à Paris, qui cherchent du boulot, qui trouvent un boulot, qui perdent leur boulot. Imagine que maintenant c’est l’après-midi, c’est-à-dire la partie de la journée où tu dois chercher un travail et un salaire.

Massimiliano Nicoli Ce texte a été initialement publié dans la Revue Economique et Sociale (vol. 74, n° 2, juin 2016, p. 87-97), que nous remercions d’autoriser sa reproduction sur le Carnet Zilsel. Image en bandeau : immeuble fédéral, Kansas City, 2016, par Dean Hochman, via Flickr. Petits conseils aux enseignants-chercheurs qui voudront réussir leur évaluation. Nietzsche l’avait prédit : nous sommes entrés dans l’ère des marchands. Leur culture a triomphé. C’est essentiellement une culture de l’évaluation. Le triomphe d’un nouveau regard évaluateur, et avec lui d’une nouvelle question directrice, la « question des questions », posée plus haut que toutes les autres : « quels gens et combien de gens consomment cela ? ». Muni de cette question, le marchand, poursuivait Nietzsche, « l’applique dès lors instinctivement et constamment à tout, et donc aussi aux productions des arts et des sciences, des penseurs, savants, artistes […] à propos de tout ce qui se crée, il s’informe de l’offre et de la demande, afin de fixer pour lui-même la valeur d’une chose »[1].La chose aujourd’hui, c’est vous.

Dans la nouvelle culture de l’évaluation académique, introduite en Europe par le processus de Bologne et stimulée par la prolifération des classements universitaires mondiaux, les règles ont changé, le jeu se joue différemment. Cultivez votre « facteur h ». Barbara Cassin - "Derrière les grilles d'évaluation" On m'évalue, donc je suis. L'obsolescence programmée des employés. «Le travail, c’est la santé», chantait hilare le regretté Henri Salvador.

L'obsolescence programmée des employés

Aujourd’hui, il déchanterait sans doute! Comme la sociologue Sophie Le Garrec qui peine à voir en rose l’avenir des salariés… Bien que les conditions de travail se soient améliorées, les maux liés aux activités professionnelles n’ont jamais été aussi nombreux. C’est un sacré paradoxe, non? Ce paradoxe existe notamment depuis l’apparition des nouveaux instruments de gestion, de ce que l’on nomme le nouveau management.

Comment en est-on arrivé là? Il y a eu un basculement après les Trente Glorieuses. C’est le culte de la performance, c’est le chacun pour soi, c’est l’individualisme et l’injonction à être autonome. Avec le néolibéralisme, qui met le profit au centre, on est donc entré dans l’ère du «toujours plus» et du «jamais assez». Exactement. En fait, on demande à l’employé d’être adaptable, polyvalent, multitâche, connecté, infatigable, imperméable au stress et hyper-productif… Bref, d’être un vrai superman! Plaidoyer contre l’évaluation permanente. Science, art, finance, etc. : aujourd'hui tout est évalué selon des grilles de critères.

Plaidoyer contre l’évaluation permanente

Il faut sortir de cette évaluation à outrance, c'est l'analyse en forme de plaidoyer que nous livre la philosophe Barbara Cassin. L'ouvrage collectif que nous avons publié est d’abord un cri d’alarme, et même d’indignation, poussé par un ensemble de professionnels de tous les métiers. Il s’élève contre le type d’évaluation auquel nous sommes tous, aujourd’hui et plus que jamais, soumis en France, en Europe, dans le monde anglo-saxon, dans le monde mondialisé.

L’évaluation s’étend à tout, du risque financier et assurantiel au risque atomique, et du traitement de l’art au traitement fait aux Roms, tous les domaines, tous les métiers, tous les instants. Car c’est toujours à plus d’évaluation que conduit l’évaluation. Tout financement passe par les grilles d'évaluation Toute politique, donc tout financement, passe par les grilles d’évaluation. Nous étouffons derrière les grilles. Christophe Dejours 4. Le psychanalyste Roland Gori : « nous sommes incités à tricher pour survivre » L’évaluation, arme de destruction, par Isabelle Bruno et Emmanuel Didier. « Benchmarker, c’est la santé !

L’évaluation, arme de destruction, par Isabelle Bruno et Emmanuel Didier

», claironnait en 2008 Mme Laurence Parisot, reprenant le slogan de la convention du Mouvement des entreprises de France (Medef) réunie cette année-là dans l’hémicycle du Parlement européen. Pour qui ignorait tout du benchmarking, son discours — qui en prônait l’application aux produits, aux services, aux idées, aux salariés, aux pays, etc. — avait de quoi désarçonner.

De quoi s’agissait-il ? De vanter les mérites d’une technique managériale consistant à « évaluer dans une optique concurrentielle pour s’améliorer ». Pour Mme Parisot, « benchmarker » un pays, ce serait le « comparer à d’autres » en vue de repérer les « meilleures politiques » — entendre : « la fiscalité la plus avantageuse », « l’administration la moins pesante », « l’université la plus admirable (1) »... — et de s’en inspirer dans un souci de compétitivité (2) . « Enrôlement des puissances salariales » En l’absence de moyens coercitifs, qu’est-ce qui les fait courir ? Sommes-nous devenus des obsédés ? UN EFFET DE LA COMPLEXITÉ NON MAîTRISÉE, par Jacques Seignan. Billet invité Voici une illustration de la composante « complexité » du soliton qui grossit inexorablement et risque de tout balayer!

UN EFFET DE LA COMPLEXITÉ NON MAîTRISÉE, par Jacques Seignan

Obama reconnait que sa réforme Patient Protection and Affordable Care Act dite Obamacare est en très grande difficulté ; en fait, elle tourne au fiasco puisque le site internet n’a enregistré que 27.000 adhésions alors que 7 millions sont escomptées au 31 mars 2014. Nul – à part les fascistes libertariens – ne doit s’en réjouir car cela représente aussi des millions de gens laissés dans la détresse de ne pouvoir se soigner. Exactement comme pour la loi Dodd-Frank supposée réguler Wall-Street, qui comprend des milliers de pages, cette réforme est plombée par la complexité de sa mise en œuvre et ce dès le début. Un article récent de Laurent Pointecouteau dans Slate est extrêmement éclairant (Les millions de lignes de code qui font tourner le monde).

Et au pays de Descartes, sommes-nous à l’abri de ces info-bricolos-bidouilleurs ? L’ÉCONOMIE POSITIVE : « J’ai des doutes… », par Maurice Lévy, suivi d’une réponse par Paul Jorion. L’économie positive : « J’ai des doutes… » par Maurice Lévy. 4 avril 2013 J’avoue mon embarras.

L’ÉCONOMIE POSITIVE : « J’ai des doutes… », par Maurice Lévy, suivi d’une réponse par Paul Jorion

S’agissant de se projeter à l’horizon 2030 l’exercice devrait pourtant s’avérer facile. Il suffit de se laisser porter par l’utopie d’une économie « qui ferait du bien à tous » et du mal à personne. Une économie respectueuse des ressources, de l’égalité entre les hommes (ils naissent et vivent égaux). A lire : l'introduction de "Benchmarking" (d'Isabelle Bruno et Emmanuel Didier) I.

A lire : l'introduction de "Benchmarking" (d'Isabelle Bruno et Emmanuel Didier)

Bruno et E. Didier, Benchmarking. L'Etat sous pression statistique, Paris, Zones, 2013, 250 pages. Introduction « Il y a dans ce livre une véritable joie : celle de régler les difficultés qui paraissent insolubles. Ceci n’est pas un éloge exalté du livre que vous tenez entre les mains. Ce genre de discours n’a rien d’original. Benchmarker, c’est la santé ! Pour surnager dans un marché mondialisé, les entreprises ne peuvent plus, nous dit-on, se contenter de produire plus, elles doivent mieux s’organiser afin de proposer la meilleure offre. Anomie néolibérale et suicide au travail. Résumé Les gestes suicidaires en lien avec le travail se sont multipliés dans le monde ces dernières décennies et risquent d’augmenter dans les années à venir.

Anomie néolibérale et suicide au travail

On peut les considérer comme l’expression extrême d’une gamme de pathologies individuelles et sociales nourries par la compétition généralisée qui est au cœur du « nouvel esprit du capitalisme ». L’entreprise hypermoderne, illustrée ici par le cas de France Télécom-Orange, représente un microcosme dans le contexte plus large d’une nouvelle « gouvernementalité néolibérale » œuvrant « pour le marché » (selon les expressions de Michel Foucault). Les individus atomisés y deviendraient les simples particules élémentaires de la machine concurrentielle. Ils sont niés dans leur altérité et contraints, sous peine de sanctions, à une obéissance aveugle.