
Après la liberté et la fraternité, l’égalité ! L’histoire nous l’a enseigné, les grands élans d’union nationale n’ont pas que des avantages. On connaît la mécanique : le gouvernement en place, quel qu’il soit, a plus que d’ordinaire les coudées franches ; les contre-pouvoirs sont inhibés, et la pensée binaire envahit les esprits. Les unanimités de façade sont inquiétantes parce qu’elles sont trop contraires à la réalité d’une société déchirée et fracturée par les inégalités. On est donc en droit de se demander où est le non-dit, le refoulé ? En disant cela, nous sommes bien conscients de sortir déjà du consensus. Comme étaient présents ces chefs d’État étrangers peu fréquentables. Heureusement, il y avait la manifestation, la vraie, et la fraternité était bel et bien au rendez-vous. Une autre menace plane qui n’est pas le fait du gouvernement mais d’intellectuels revanchards qui s’en prennent à tous ceux qui ont critiqué Charlie, ou qui ont mis en garde contre le risque de propagation de l’islamophobie.
Edwy Plenel : “Ces monstres sont le produit de notre société” Invité de l’émission “Bondy Blog Café” cette semaine, le co-fondateur et président de Mediapart a réagi aux attentats contre Charlie Hebdo. Interview. Comment avez-vous réagi le 7 janvier, lorsque vous avez appris qu’une fusillade à Charlie Hebdo venait de faire 12 morts ? Ce que nous avons fait avec Mediapart, avec la même spontanéité que tout le monde, c’était d’organiser le soir-même une veillée en streaming, c’est-à-dire en vidéo que l’on pouvait voir sur internet et sur notre site. Avez-vous participé au rassemblement du 11 janvier ? Oui, bien sûr. Justement, quelles réponses espérez-vous entendre de la part des politiques ? Celles que nous avons toujours défendues à Mediapart, d’avoir un imaginaire de l’esprit public qui nous élève, qui nous rassemble, qui soit celui de la France telle qu’elle est, telle qu’elle vit. Que craignez-vous pour la suite ? Les terroristes font toujours la politique du pire. Que comptez-vous faire à Mediapart dans les jours et les mois à venir ?
Gérald Darmanin: «Il ne suffit pas de crier "République et laïcité"» Gérald Darmanin, député-maire UMP de Tourcoing, estime que les responsables politiques ne peuvent se satisfaire des appels répétés à la République et à la laïcité. Petit-fils de harkis et catholique pratiquant, il défend le principe d’un nouveau concordat fixant droits et devoirs de toutes les religions, dont l’islam de France. Mardi matin, il a invité ses collègues députés UMP à ne pas mélanger le problème de l’immigration et celui de l’extrémisme islamiste. Il leur suggère notamment de laisser des mères voilées accompagner des sorties scolaires. Les responsables politiques seront-ils à la hauteur du message du 11 janvier? Nous étions réunis ce mardi matin entre députés UMP. Une bonne réponse? Être ferme oui. Comment surmonter cet échec? Nous avons, en France, de 4 à 6 millions de musulmans. Votre famille politique, l’UMP, ne perd pas une occasion de dénoncer les ravages du communautarisme ? Pourquoi un concordat? Que faudrait-il écrire, dans ce contrat? Des raisons d’espérer? Alain AUFFRAY
"Des tueurs qui ont aussi agi contre l’islam" par Tahar Ben Jelloun LE MONDE | • Mis à jour le | Par Tahar Ben Jelloun (Ecrivain) L’attaque de Charlie Hebdo est un fait de guerre. Sauf que les journalistes qui ont été assassinés n’étaient pas des guerriers. Ils étaient sans haine, sans préjugés. Ils étaient des poètes, des moqueurs, des fous de liberté, des génies dont les armes étaient des crayons de couleur, de l’intelligence de la fantaisie et de la lumière. La France est engagée dans des combats importants. Pour lire les autres points de vue après l’attaque contre « Charlie Hebdo » : L’esprit critique n’est pas mort Les tueurs ont agi contre l’islam Si les tueurs ont crié « Allah Akbar », c’est aussi contre l’islam et les musulmans qu’ils ont agi. Ces derniers temps, on aurait dit qu’une chasse était ouverte contre l’islam et les musulmans, montrés du doigt chaque fois qu’une certaine France perd confiance ou se laisse aller à trouver des boucs émissaires pour expliquer la crise morale ou pour gagner des électeurs.
Après Charlie Hebdo : « Quoiqu’ils fassent, les musulmans sont bloqués » Hassen Chalghoumi, président de la Conférence des imams de France et imam de Drancy (Seine-Saint-Denis), devant Charlie Hebdo, à Paris, le 8 janvier 2015 (MARTIN BUREAU/AFP) « Depuis mercredi soir, le journal télévisé est devenu un moment étrange chez nous. On débat, on se chamaille, on se fait la gueule. » Adnane (le prénom a été changé) vient d’avoir 26 ans. Il est grand, costaud et change de voix quand il évoque ses partiels à la fac et le carnage à Charlie Hebdo. « Tout de suite, je me suis dit : “Pourvu qu’ils ne soient pas bronzés et musulmans. « Il y a de la provocation quand des gens disent : “Bien fait” » Dans son salon, avec sa famille, c’est souvent la cacophonie. « On a tous une théorie et une posture. C’est compliqué de parler de tout ça à chaud. « Il y a de la provocation quand des gens disent : “Bien fait.” Et raconte les discussions qu’il y a eu ces dernières heures. « Après la manif, ils me regarderont comme Ben Laden » A propos du rassemblement de dimanche Beaucoup de déni
Abd Al Malik : “L’islam est méconnu..." Un mois après les attentats parisiens, le chanteur publie un plaidoyer passionné. Pour que l’islam ne soit plus source de malentendu. Pour que la République prenne soin de tous ses enfants. A la veille de ses 40 ans – en mars –, Abd Al Malik vibre autant de colère que d'espoir. Impliqué de longue date dans le débat sociétal, le musicien, écrivain et cinéaste adresse à la France une supplique intitulée Place de la République, pour une spiritualité laïque. Un mois après les attentats parisiens de janvier, ce texte bref et percutant, publié le 18 février aux éditions Indigène – celles de l'Indignez-vous de Stéphane Hessel –, accuse la République de ne pas traiter tous ses enfants de la même manière. « Nous, on aime la France, mais elle ne nous aime pas », disait un « grand frère » dans Qu'Allah bénisse la France, le fim qu'Abd Al Malik a adapté de son autobiographie (nommé au césar du meilleur premier film). Bande-annonce de Qu'Allah bénisse la France. C’est l’école qui vous a sauvé ?
Zineb El Rhazoui journaliste à "Charlie Hebdo" explique ce que ce journal est. Par Zineb El Rhazoui, journaliste et membre de la rédaction de « Charlie Hebdo » A Charlie, on se disait parfois qu’on s’aimait. Comme ça, pour signer un mail professionnel, après les angles du papier, le calibrage et les délais, il arrivait que l’on dise aux collègues : « Je vous aime ». Pas très sérieux, mais vrai. Lire aussi : Attentat contre « Charlie Hebdo » : Charb, Cabu, Wolinski et les autres, assassinés dans leur rédaction Peu d’échanges étaient sérieux à Charlie, même pas ceux du comité d’entreprise censé défendre les intérêts des salariés face à un patronat incarné par Charb, à savoir le remplacement prioritaire de cette satanée cafetière toujours en panne. Mustapha est mort. Un souci de langue ? Simon, lui, a survécu. C’est ainsi à Charlie, certains viennent de l’aluminium, d’autres sont cheminot, urgentiste, juriste, psy, économiste… Mais tous se réunissent le mercredi « pour voir ce qu’on fait dans le prochain numéro ». Tragiquement drôle