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Les somnambules se rendorment

Les somnambules se rendorment
« Eloignés du peuple, le peuple s’est éloigné d’eux » : compagnon aussi fidèle que critique de la gauche depuis toujours, Edgar Morin lance sur Mediapart une alerte passionnée sur l’aveuglement des somnambules qui nous dirigent et nous gouvernent. Ils n’ont pas su voir le lent dépérissement du peuple de gauche, éduqué sous la Troisième République par les idées issues de la Révolution française, assumées et développées par le socialisme, réassumées après 1933 par les communistes, propagées par les instituteurs de campagne, les enseignants secondaires, les écoles de formation du PS et du PC. Ils n’ont pas perçu le vide que laissait la mort du radical socialisme, la dévitalisation du PS, la désintégration du PC. Ils n’ont pas su voir le vide de leur pensée politique, désormais à la remorque des dogmes pseudo-scientifiques du néo-libéralisme économique, s’accrochant aux mots gris-gris de croissance et de compétitivité. Eloignés du peuple, le peuple s’est éloigné d’eux.

«En finir avec le refus de toute utopie Jérôme Baschet, historien, enseigne à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris et à l’Universidad autónoma de Chiapas, à San Cristóbal de Las Casas (Mexique). Il publie Adieux au capitalisme (La Découverte). Peut-on voir durant les dix dernières années une parenté entre les luttes (anti ou altermondialisation, squats, Indignés, etc.) ? Les mouvements cités sont assez divers et mériteraient chacun une analyse spécifique et fine, comme le fait Constellations(lire aussi pages 2-4). Cela dit, il y a une nouvelle conjoncture, plus favorable pour la critique radicale du capitalisme. Est-ce uniquement l’anticapitalisme qui les lie ? Il y a quelques années encore, le terme «capitalisme» sonnait comme une grossièreté presque imprononçable. Comment se pose aujourd’hui la question révolutionnaire ? Il s’agit de nous défaire d’un modèle de la politique centré sur l’appareil d’Etat. La résistance s’envisage-t-elle donc par des espaces libérés ? Utopie est un mot piège.

«Constellations», l’écrit du peuple C’est un livre d’histoires qui pose la question révolutionnaire aujourd’hui. Constellations, volume de 700 pages qui sort lundi, compile les expériences d’une multitude de luttes, depuis l’altermondialisme jusqu’à la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dames-des-Landes, près de Nantes (1). En France, mais aussi en Italie ou en Espagne. Son auteur : un collectif baptisé Mauvaise Troupe. Derrière, une douzaine de personnes ; au fil des pages, une quarantaine de contributeurs, des constellations de collectifs anticapitalistes et de récits qui concernent des milliers de militants, comme ceux qui ont participé à la contestation contre le contrat première embauche (CPE) en 2006. Mauvais Troupe a œuvré à rassembler des témoignages, des interviews, des correspondances tenues par les acteurs des batailles, des occupations, des fêtes qui ont ponctué les treize premières années du nouveau siècle. Constellations a failli s’intituler «Vivre et lutter». Du débat. Du début. Du lien. Du rejet.

Mauvaises herbes, belles plantes Dans sa Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Georges Perec radiographiait la place Saint-Sulpice, notait bus, passants, enfants ou touristes japonais. Dans sa description méthodique, urbaine, le règne végétal s’immisçait furtivement, toujours contenu par la main humaine : arbre municipal, bouquets de fleurs, paniers de légumes… Mill. Flora Bussiaca, beau livre publié ce mois-ci, tiré à seulement 600 exemplaires, est une autre tentative d’épuisement. C’est une flore contemporaine, recensant les espèces végétales d’un lieu précis : le moulin de Sainte-Marie à Boissy-le-Châtel, en Seine-et-Marne. Photo Kaiserin Editions Depuis quelques années, l’agence d’architectes la Ville rayée travaille à «domestiquer ce territoire, à révéler les potentiels de cette ancienne papeterie, à clarifier l’espace». Fiche. Mill. Mousse. Mill.

Monique Pinçon-Charlot : « La violence des riches atteint les gens au plus profond de leur esprit et de leur corps » Basta ! : Qu’est-ce qu’un riche, en France, aujourd’hui ? Monique Pinçon-Charlot [1] : Près de 10 millions de Français vivent aujourd’hui en-dessous du seuil de pauvreté. Celui-ci est défini très précisément. Nous nous sommes intéressés aux plus riches parmi les riches. Pourquoi est-il si difficile de définir cette classe ? La richesse est multidimensionnelle. A cela s’ajoute la richesse sociale, le « portefeuille » de relations sociales que l’on peut mobiliser. Il existe aussi une grande disparité entre les très riches... Bernard Arnault, propriétaire du groupe de luxe LVMH, est en tête du palmarès des grandes fortunes professionnelles de France, publié chaque année par la revue Challenges. Malgré l’hétérogénéité de cette classe sociale, les « riches » forment, selon vous, un cercle très restreint. On trouve partout les mêmes personnes dans une consanguinité tout à fait extraordinaire. Comment s’exerce aujourd’hui ce que vous nommez « la violence des riches » ? C’est une violence inouïe.

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