
Dominique Méda : « Le “digital labor”, ou le travail du doigt » Entreprises. Le 4 septembre, le Conseil constitutionnel a censuré pour la seconde fois les dispositions de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel concernant les plates-formes numériques qui prévoyaient « la faculté pour chaque plate-forme d’établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations, ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation », jugées sans rapport avec le reste du texte. Lire aussi Article réservé à nos abonnés « La peur de l’intelligence artificielle n’est pas (encore) d’actualité » Antonio Casilli montre qu’il existe un continuum entre ces microtâches, les prestations réalisées via des plates-formes de service et ce que font les usagers sur les réseaux sociaux : il s’agit selon lui, dans tous les cas, d’un travail occulté, invisibilisé et le plus souvent pas ou peu rémunéré.
Les géants tech ou l'avènement de quasi-États L’image a marqué les esprits. Marc Zuckerberg, fondateur et PDG du F de l’acronyme GAFA, annonce qu’il part en tournée à travers les États-Unis, alors que son entreprise, accusée de toutes parts d’avoir joué un rôle décisif dans l’élection présidentielle américaine et le Brexit, refuse obstinément de prendre acte du pouvoir exorbitant qu’elle possède désormais sur l’attention et les esprits d’un tiers de l’humanité. La contradiction n’est pas anodine et « Zuck » ne peut en être dupe : Facebook n’est plus l’outil de notation des plus beaux étalons du campus de Harvard, ce n’est plus un simple réseau social. Plus encore que ses pairs technologiques, c’est désormais une organisation d’un genre nouveau dont nous ne cessons de mesurer l’indomptable puissance. La compréhension des ressorts de cette puissance est indispensable pour que les États, démunis face aux preuves quotidiennes leurs propres limites, reprennent en mains leur destin, ainsi que celui de leurs citoyens. Diana Filippova
Ils font des tâches en quelques clics et pour quelques euros... qui sont ces microtravailleurs « invisibles » ? Effectuer une recherche sur le Web. Retranscrire une phrase. Légender une photo. Dirigée par Antonio Casilli et Paola Tubaro, respectivement chercheurs à Télécom ParisTech et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), cette enquête dresse le profil d’une activité professionnelle encore méconnue, « moins visible que les chauffeurs Uber ou les livreurs de Deliveroo » et pourtant grandissante. Des microtâches pendant le footing Ni free-lances ni travailleurs ubérisés, ces travailleurs du clic, comme on les surnomme parfois, se connectent à des plates-formes spécialisées dans le microtravail, qui leur fournissent des tâches à effectuer, commandées par un client. Quel est leur profil ? Les motivations et les pratiques diffèrent d’un microtravailleur à l’autre. Ou celui d’un homme en situation de handicap, en invalidité professionnelle, qui complète ainsi sa pension. Combien de temps cela leur prend-il ? Interrogation sur l’éthique de certaines tâches Des travailleurs isolés
Joy Buolamwini MIT Media Lab and Algorithmic Justice League As a college student, Joy Buolamwini discovered that some facial-analysis systems couldn’t detect her dark-skinned face until she donned a white mask. “I was literally not seen by technology,” she says. That sparked the research for her MIT graduate thesis. When she found that existing data sets for facial--analysis systems contained predominantly pale-skinned and male faces, Buolamwini created a gender-balanced set of over a thousand politicians from Africa and Europe. In some cases, as when Facebook mislabels someone in a photo, such mistakes are merely an annoyance. A former Rhodes scholar and Fulbright fellow, she founded the Algorithmic Justice League to confront bias in algorithms. —Erika Beras
« D’où vient l’idée que les Français travailleraient moins que les autres ? » Chronique. Le président de la République Emmanuel Macron a profité de la présentation du grand plan d’investissement France 2030, le 12 octobre, pour renouveler ses critiques à l’encontre du modèle français de temps de travail. « Quand on se compare, a-t-il dit, nous sommes un pays qui travaille moins que les autres en quantité. » Et a conclu ainsi : « Il nous faut avoir un pays qui produise davantage. » C’est à cette comparaison que s’était livrée, en 2018, la Direction statistique du ministère du travail (Dares), dans un document d’études intitulé « Comparaisons européennes des durées du travail : illustration pour huit pays ». Après avoir rappelé la très grande complexité de ce type de comparaisons, l’étude présentait un premier résultat, non concordant avec l’affirmation du chef de l’Etat : en 2016, la durée hebdomadaire de travail moyenne des salariés était plus élevée en France qu’en Allemagne, en Suède, en Italie, au Danemark et aux Pays-Bas...
Debout, les damnés de la Valley ! L'engagement 3.0 des salariés L’entreprise est une communauté et définit – en partie – notre identité. Les salariés des plus puissantes entreprises du monde le démontrent actuellement, engagement puissant à l’appui. On vous raconte. « Dans la Silicon Valley, les géants du Web craignent la fronde de leurs propres employés ». La fronde en question, c’est celle des salariés d’Amazon, Alphabet (Google) et Microsoft, qui se sont récemment dressés contre la collaboration de leur employeur avec le gouvernement américain et son armée. L’engagement et la mobilisation des salariés au service de leur fierté Mais le storytelling de la Sillicon Valley commence à se fissurer sérieusement. Récit de Lucie Ronfaud, en trois épisodes : Google « a provoqué l’ire de certains de ses employés avec un projet d’intelligence artificielle développé pour le Pentagone. Friends who work for @Microsoft,FIGHT THIS. Actionnaires, salariés : YOU’VE GOT THE POWER ! Nous passons à peu près 2/3 de notre temps au travail. Adeptes du washing ? Comment ?
Quand le travail colonise notre vie quotidienne Livre. Jusqu’à la fin du modèle fordiste dans les années 1960-1980, face au pouvoir et à la direction, les travailleurs tentaient de se protéger, s’organisaient, inventaient des solidarités parallèles. Dans le nouveau modèle d’entreprise qui s’impose désormais, la mobilisation subjective est devenue la matière première de la performance organisationnelle, et les manageurs se sont mués en directeurs de conscience. Se développent alors des formes plus douces de domination, qui prennent l’allure de l’émancipation individuelle : entreprise libérée des manageurs, organisation agile, valorisation de l’entrepreneuriat de chacun… Le chef autoritaire cède la place à une posture libérale, voire libertaire, de l’entrepreneur. « Nous entrons dans l’ère de la société capitaliste », affirme David Muhlmann dans Capitalisme et colonisation mentale. Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le Nouveau contrat social » : l’entreprise, moteur d’un néocapitalisme Il vous reste 36.9% de cet article à lire.
Un quart des français en rupture avec le numérique Environ 23% des Français ne sont "pas à l'aise avec le numérique", déclarant ne jamais naviguer sur internet ou bien difficilement, selon une étude CSA sur l'"illectronisme", l'illettrisme numérique. Ce taux s'élève à 58% chez les personnes de 70 ans et plus. Il s'agit d'"une nouvelle forme de fracture sociale", selon Philippe Marchal, président du syndicat de la presse sociale, qui a souhaité en commandant cette étude "sensibiliser" et "permettre une prise de conscience de l'opinion et des pouvoirs publics". Si quasiment 9 personnes sur 10 possèdent une connexion internet et un équipement leur permettant de s'y rendre (téléphone, ordinateur, tablette), utilisés majoritairement pour rechercher une information ou envoyer un mail, 16% ne vont jamais ou moins d'une fois par semaine sur internet, et 7% trouvent la navigation difficile. Source : AFP
Derrière la reprise de l’emploi, l’ombre de la précarité Au moment où s’esquisse le bilan du quinquennat, voilà des chiffres flatteurs qui tombent à point nommé pour Emmanuel Macron. Durant le dernier trimestre 2021, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a, de nouveau, baissé, d’après les données du ministère du travail et de Pôle emploi, publiées mercredi 26 janvier. Il atteint désormais un peu moins de 3,34 millions sur l’ensemble du territoire (outre-mer compris, sauf Mayotte), soit un recul de 5,9 % par rapport aux trois mois précédents. Si l’on raisonne sur une année, la diminution se révèle encore plus nette : – 12,6 %, ce qui est sans précédent depuis le lancement de cette série statistique, en 1996. Grâce à ce reflux spectaculaire, les dégâts provoqués par le choc récessif de 2020 sont plus que compensés, l’indicateur se situant désormais à un niveau inférieur (de 6,1 %) à celui du quatrième trimestre 2019.
(Re)naissance de l’Homo Faber : le travailleur de demain sera un artiste ou un artisan rompu aux nouvelles technologies Par Esko Kilpi, expert finlandais du futur du travail, directeur exécutif de l'Esko Kilpi Company. Billet invité Le travail intellectuel est un travail créatif mené dans l’interaction avec nos pairs. Contrairement aux processus répétitifs que nous connaissons si bien et pour lesquels les inputs sont connus de façon prévisible et structurée, les inputs et les outputs du travail intellectuel sont 1/ la définition de problèmes et 2/ l’exploration de solutions. Il n’y existe donc aucun enchaînement de tâches prédéterminées qui, une fois réalisées, puissent garantir le succès. Le travail intellectuel relève ainsi de la diversité et du contingent plutôt que de la prévisibilité et de la routine. Le travail ressemble à l’artisanat ou même à l’art ! Les sociétés européennes ont toujours tenu pour acquis que la transmission de compétences se ferait de génération en génération : le développement d’un talent d’artiste ou d’artisan se faisait par les enseignements des maîtres précédents.
« Qui donc peut encore se réjouir de créations d’emplois si ceux-ci engendrent insécurité économique et impossibilité de survivre ? » Tribune. L’annonce fait beaucoup de bruit : l’emploi salarié privé au quatrième trimestre aurait augmenté de 0,5 %, portant les créations d’emplois supplémentaires à près de 650 000 pour l’ensemble de l’année 2021, soit 300 000 emplois de plus qu’en 2019, c’est-à-dire avant la crise liée à la pandémie de Covid-19. Ce résultat est tiré du titre d’un document de l’Insee, une « estimation flash » de l’évolution de l’emploi salarié au quatrième trimestre 2021. En effet, les chiffres mis en avant additionnent des choux et des carottes, sur au moins deux plans. Lire aussi Article réservé à nos abonnés En France, moins de chômage, mais plus de précarité au troisième trimestre Ce qui nous amène au deuxième plan : le temps de travail des personnes recrutées. De deux choses l’une.
Intelligence artificielle en Afrique : « Le risque de captation de valeur existe », décrypte Cédric Villani La créativité africaine dopée par l’IA (1/7). Le mathématicien, qui salue l’émergence d’un véritable écosystème numérique, alerte sur les dangers de partenariats avec les géants d’Internet. Quelques jours à peine après la réalisation de cet entretien, Google a annoncé, mercredi 13 juin, la création de son premier centre de recherche en IA sur le sol africain, à Accra, au Ghana. Pour ces recherches, qui seront spécialisées dans la santé, l’agriculture et l’éducation, le géant d’Internet a lancé dans la foulée sur les réseaux sociaux un appel à candidatures à destination des chercheurs en « machine learning ». Des applications d’intelligence artificielle font leur apparition en Afrique dans l’éducation, l’environnement, la santé, etc. Cédric Villani C’est tout d’abord une très bonne nouvelle de voir émerger des acteurs entrepreneuriaux sur un continent où, traditionnellement, le fonctionnariat a été longtemps vécu comme la carrière la plus recherchée. Un système D se met en place.