L’Ere du soupçon, « Conversation et sous-conversation »
Les paroles sont « l’arme quotidienne, insidieuse et très efficace, d’innombrables petits crimes.
Car rien n’égale la vitesse avec laquelle elles touchent l’interlocuteur au moment où il est le moins sur ses gardes, ne lui donnant souvent qu’une sensation de chatouillement désagréable ou de légère brûlure, la précision avec laquelle elles vont tout droit en lui aux points les plus secrets et les plus vulnérables, se logent dans ses replis les plus profonds, sans qu’il ait le désir ni le moyen ni le temps de riposter. Mais, déposées en lui, elles enflent, elles explosent, elles provoquent autour d’elles des ondes et des remous qui, à leur tour, montent, affleurent et se déploient en-dehors en paroles. Par ce jeu d’actions et de réactions qu’elle permettent, elles constituent pour le romancier le plus précieux des instruments. »
« un danger se dissimule dans ces phrases douceâtres, des impulsions meurtrières s’insinuent dans l’inquiétude affectueuse, une expression de tendresse distille tout à coup un subtil venin. »