Article-Le monde des arts
Jacques Villeglé est un artiste français majeur de l'art d'aujourd'hui, âgé de 82 ans, qui dès 1949, a développé par la récupération et l'usage presque exclusif d'un matériau unique - celui des affiches lacérées trouvées au hasard de ses promenades urbaines - une oeuvre unique, foisonnante et d'une totale richesse formelle. Jacques Villeglé ne se revendique pas comme le concepteur d'un nouveau «ready-made» à la manière de Duchamp pour promouvoir l'objet trouvé ou récupéré, en l'occurrence, les affiches, au rang d'oeuvre d'art. Il est un flâneur, qui au fil même de ses promenades et dérives dans les rue de la ville, prélève sur les panneaux publics les restes d'affiches déchirées qui l'interessent d'un point de vue esthétique. Il n'agit que trés peu sur les affiches qu'il trouve, en dehors du collage qu'il en fait sur des toiles. Ci dessous, pour en savoir plus : deux livres consacrés à l'oeuvre de Jacques Villeglé.
Biographie + oeuvres
« Le prélèvement, dit-il, est le parallèle du cadrage du photographe », et lui-même se veut, comme Hains, simple collecteur de fragments qu'il ne fait que choisir et signer. En 1958, il rédige une mise au point sur les affiches lacérées intitulée Des Réalités collectives, préfiguration du manifeste du Nouveau réalisme ; il est considéré comme l'historien du Lacéré anonyme, entité qu'il crée en 1959. En collaboration avec Raymond Hains, il réalise quelques films ainsi que Hépérile éclaté (publié en juin 1953), déformation photographique d'un poème phonétique de Camille Bryen, rendu illisible à travers l'objectif à trame cannelée de son partenaire. En février 1954, Villeglé et Hains font la connaissance du poète lettriste François Dufrêne, lui-même précurseur dans le domaine du travail sur les affiches lacérées dont il interroge l'envers (les « dessous »). Il les présente à Yves Klein, puis Pierre Restany et Jean Tinguely. Déclarations: Interview par Philippe Dagen (septembre 2008)
L'œuvre Ach Alma Manetro
Ach Alma Manetro est la première affiche de Hains et Villeglé, réalisée en février 1949. Son titre provient des lettres que l’on peut lire sur les affiches déchirées et qui forment une sorte de poème involontaire. Le résultat de cette longue mosaïque d’agglomérats de papiers, où se retrouvent les mêmes éléments chromatiques beiges, noirs, rouges, blancs, est une fresque peinte « éclatée ». Il ne s’agit pas encore d’un décollage, puisque les morceaux ont été ramassés un à un et recollés ensemble – Hains pour la partie droite et Villeglé pour la partie gauche, tous deux souhaitant alors réaliser une sorte de longue tapisserie qui soit un hommage à celle de Bayeux. Comme Hains le déclare, il agit ainsi en « inaction painter », puisque les auteurs sont également les passants. Il aurait pu photographier ces posters, mais il a préféré devenir le « Brassaï des affiches », un nouveau regardeur des données de la rue.