background preloader

Norme

Facebook Twitter

Le mérite, une valeur pervertie ?, par Angélique Del Rey. Dans 1984, George Orwell analysait le « double langage » de cette société du futur dont notre présent est devenu si proche.

Le mérite, une valeur pervertie ?, par Angélique Del Rey

Nombreuses sont aujourd’hui les valeurs dominantes qui devraient être étudiées à la lumière de cette novlangue qui ne nomme que pour semer la confusion. Le concept de « mérite », récemment revivifié, illustre ce brouillage. Deux ouvrages philosophiques permettent d’en déchiffrer les enjeux. Fondement de l’égalité républicaine en ce qu’il a permis le passage d’une distinction sociale liée au sang à une autre liée à la mesure des capacités, le mérite est aujourd’hui utilisé, selon Yves Michaud et Dominique Girardot, comme une machine à justifier toutes les inégalités, y compris les moins justifiables : seraient mérités le cancer pour qui n’a pas participé au dépistage et le chômage pour qui n’a pas « tout » fait afin de rester dans la course.

Et serait tout aussi logiquement méritée la fortune pour celui qui a su faire les bons placements… Réveiller les puissances sexuelles. Décentrer le regard. Partant du principe que l’on reconnaît d’abord ce que l’on connaît, que le sujet est moins dans la chose regardée que dans l’œil de celui qui observe, les objets — plus précisément les images dans lesquelles ils s’incarnent —, sans beaucoup parler d’eux-mêmes, font surtout parler ceux qui les regardent.

Décentrer le regard

Et souvent plus à tort qu’à raison : « Soit la connaissance des effets que ceux qui les ont créées cherchaient à produire sur ceux à qui elles étaient destinées demeurent impénétrables en raison de l’écart culturel, soit cette connaissance s’effiloche avec le temps à l’intérieur d’une même tradition iconologique, ce qu’une visite à la section médiévale de nos musées nous permet de vérifier sans peine », explique Philippe Descola, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et commissaire de La Fabrique des images [1]. Philippe Pataud Célérier est journaliste.