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Entretien avec Romain Verger - Un dernier livre avant la fin du monde. Un Dernier Livre : Bonjour Romain, et merci d’avoir accepté notre invitation. Vous êtes l’auteur de nombreux poèmes et de plusieurs romans, dont Zones sensibles, Grande ourse et Forêts noires (Quidam éditeur), ou encore Fissions (Le Vampire Actif éditions). Ravive est votre dernier livre, il s’agit d’un recueil de nouvelles publié par les éditions de l’Ogre. Peut-être pourriez-vous commencer par nous parler de sa genèse ?

Romain Verger : Il y a deux ans, Benoit Laureau et Aurélien Blanchard (ndlr : les éditeurs de l’Ogre) m’ont contacté pour me faire part de leur projet de création des éditions de l’Ogre et de leur souhait de m’associer à leur catalogue. Je n’avais à ce moment-là aucun roman en cours ni même le moindre projet car des activités professionnelles prenantes me contraignaient à suspendre un certain temps l’écriture. UDL : Il y a dans Ravive un rapport fort à la merveille, au sens étymologique du terme, quelque chose qui frappe d’étonnement.

R. R. R. R. R. R. R. R. TOP 5 2016 # Lou - Un dernier livre avant la fin du monde. Voici donc mon Top 5 2016 ! Cinq parmi tous les livres parus, dévorés et adorés cette année, cinq lectures qui interrogent la langue, qui modifient le regard et la perception, qui chacune à leur façon sont un bouleversement du réel, une inflexion. Cinq, plus un. Le Bal des ardents, de Fabien Clouette. La rumeur de la mort du roi, l’avancée de ses troupes vers le Port et un carnaval, un couronnement factice de rois successifs dans la poix, les plumes, le crin et le rythme des tambours, une révolution, le chant des orages sans bruit, un boomerang lancé, relancé, comme la question qui se pose à tous : partir ou rester, désir d’un ailleurs calme, volonté de rester pour assister à l’événement historique en train de s’écrire. Le Bal des ardents est un roman éblouissant qui nous emporte dans la folie d’une langue belle et mouvante qui déboussole.

Retrouvez sur le site la chronique du Bal des ardents par Caroline, et la mienne sur mon blog. Le Bal des ardents, Fabien Clouette. Marx et la poupée — Maryam Madjidi - Un dernier livre avant la fin du monde. « Ainsi, dans la tête de la petite fille, s’est tu le persan. » Il était une fois une petite fille qui donna ses poupées aux enfants du quartier pour apprendre « le détachement matériel et l’abandon de la propriété » communistes, et des parents qui cachaient des tracts politiques dans sa grenouillère.

Il était une fois un arbre, au pied duquel furent enterrés les rêves de la mère, les jouets de la petite fille, les livres interdits du père et les 32 lettres d’un alphabet. Il était une fois trois naissances et une histoire de racines, d’exil, d’assimilation et de retrouvailles. Maryam Madjidi est une conteuse brillante qui se confronte à l’exercice difficile de ne pas chercher simplement à épater, faire rire ou pleurer, mais de « déterrer les morts en écrivant », raconter avec « fierté » et une « douleur refoulée », les fantômes, les cauchemars, les dessins, les mains du père, les carnets noirs de la mère. À 6 ans, Maryam quitte l’Iran avec sa mère pour rejoindre son père en France.

Lou. Norwood, le premier road trip drolatique de Charles Portis. - Un dernier livre avant la fin du monde. « — T’as déjà entendu Lefty Frizzell chanter I Love You a Thousand Ways ? — Non, j’ai même pas entendu parler de Lefty Frizzell. — Je ne pense pas que je puisse te le décrire alors. — T’as une cicatrice là derrière le cou. C’est horrible. Y’a pas un cheveu qui pousse dessus. — Je suis tombé d’un camion-citerne en Corée. — Tu t’es battu là-bas ? — Je suis arrivé sur la fin. — T’as tué des gens ? Norwood, éponyme et nonchalant héros, est un vétéran de la Corée au flegme texan et aux répliques laconiques qui quitte à contrecœur les Marines pour reprendre en main sa maison familiale et sa sœur Vernell, « une fille avachie, épaisse et paresseuse » que même les femmes de l’Enseignement ménager n’arrivent pas à tirer du canapé.

Norwood lâche sa guimbarde, une Chevrolet Fleetline de 1947, pour une Oldsmobile 98 qui remorque une Pontiac Catalina flanquée d’une pin-up boudeuse. Lire aussi : un article fourni du Believer sur Charles Portis. Norwood, Charles Portis. Hors du charnier natal — Claro - Un dernier livre avant la fin du monde.

« Du scribe, j’ai l’échine docile et l’œil stupide, mon tempérament m’invite à confondre la suie déposée sur la vitre avec l’espèce de nuit qui s’agite au-dehors. Toute proie a son ombre, dit-on — autant mêler l’une et l’autre. »« Donc, croyez-moi, ne me croyez pas, peu importe, puisque toute vie racontée n’est qu’un violent processus de défiguration. » Larves et imagos, oiseaux marins estropiés, éponges et coraux, fleurs jaillies du fumier… Hors du charnier natal est porté par une langue « scaphandre et lance-flammes » toujours puissante, imagée, incisive, qui perce et fouit les chairs et les phrases ; une écriture corporelle, qui donne corps, qui est un corps, un grand corps plein de tripes, d’articulations, de tendons, de nerfs avec lequel « en découd » un Claro pyromane, provocateur, irrévérencieux, gouailleur. — « On voit le sang gicler, on entend claquer les tendons du cou, crisser les os de la colonne, mais sans jamais voir le sourire du monarque ».

Hors du charnier natal, Claro. Charles Yu — Guide de survie pour le voyageur du temps amateur - « Quand ça arrive, voilà ce qui arrive : je me tire dessus. Enfin, c’est-à-dire, pas sur moi à proprement parler. Sur mon futur moi. Il sort d’une machine à voyager dans le temps et se présente comme Charles Yu. Qu’est-ce que vous vouliez que je fasse ? Je le tue. Je tue mon propre avenir. » Le « Guide de survie pour le voyageur du temps amateur » de Charles Yu est un « livre sorti de nulle part » dont l’existence ontologique pose question et un manuel des règles de l’Univers Mineur 31 – monde composé à 13 % de réalité et 87 % « d’un substrat standard à base composite SF ». Le Charles Yu fictionnel vit depuis 10 ans biologiques – pour sa mère ou son concierge, une dizaine de jours – dans un « Dispositif Récréatif pour Voyage Temporel MVT-31 », une boîte de la taille d’une cabine de douche réglée en continu sur Présent Indéfini, ce qui le maintient dans « le fragment de temps le plus ennuyeux possible », mais bousille un peu le moteur.

Éditions Aux Forges de Vulcain, 2017. 319 pages. Lou. Moujik moujik, suivi de Notown (Un dernier livre avant la fin du monde) « Le ciel est rouge derrière lui. Il ouvre une thermos. Il se verse un café (ses mains tremblent un peu). Il souffle sur le café trop chaud. Il regarde loin devant lui. Dans le Bois, des tentes, des bâches, des cabanes, cabanons, camions, voitures. . « andrewjz, c’est for cé on oublie les mots ça se mélange les langues je parle dans le vent je don ne plus de nouvelles au pays c’est comme si j’é tais mort mes mains ne ser vent plus à rien à personnes c’est mort c’est du petit bois bon à mettre au feu […] » Des prénoms, en guise de titres. Écho et prolongement de ces deux textes, Témoins, paru en septembre, reconstitue le déroulé de procès en correctionnel tenus au Tribunal de Grande Instance de Nantes entre 2013 et 2014 et les entrelacs de la vie de ce père en marge, dans un enchevêtrement entre documentaire et poésie, autobiographie et approche sociale.

Le blog de Sophie G. Moujik moujik, suivi de Notown, Sophie G. Editions La Contre Allée, mars 2017. 192 pages. Lou Enregistrer.