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ÉPIGÉNÉTISME

20 mai 2014

ÉPIGÉNÉTISME

ÉPIGÉNÉTISME

ÉPIGÉNÉTISME : UN FANTÔME DANS NOS GÈNES…

La science découvre peu à peu un univers caché des plus complexes, un univers qui relie les générations passées et futures d’une façon inimaginable auparavant.

« Une contamination à laquelle votre grand-mère a été exposée peut vous causer une maladie alors même que vous n’avez jamais été exposé à cette toxine et vous-même transmettre cette maladie à vos petits-enfants. »

 

Ces découvertes extraordinaires peuvent affecter tous les aspects de notre vie.

« Il n’y a pas que les gènes, il y a l’environnement de nos aïeux dans les premiers stades de leur vie, on reflète moins ce qu’on mange que ce que mangeait notre mère ou même ce que mangeait notre grand-mère. Nos données montrent aussi que l’on éprouve le stress ressenti par notre grand-mère ou notre grand-père à une époque précise ».

 

Ces découvertes modifient notre façon de considérer notre lien avec les autres générations.

« Je me sens désormais plus proche de mes enfants. J’ai légué à mes enfants et petits-enfants une partie de ce que j’ai expérimenté dans mon  environnement ».

 

La science de l’hérédité est en pleine mutation.

                        « On est en train de changer notre perception de l’hérédité ».

 

Ce village suédois détient peut-être les preuves d’une révolution scientifique et médicale.

Overkalix  se tient à25 km du cercle polaire arctique.

Perdu dans la nature, ce village est resté très isolé la plus grande partie de son histoire.

Marcus PEMBREY (Institut de la santé infantile –University Collège de Londres) se rend à Overkalix afin de rencontrer son collègue Olof BYGREN.

Les 2 hommes sont convaincus que l’histoire de personnes enterrées dans ces tombes pourrait confirmer la pertinence de leur théorie révolutionnaire.

« Ici, nous avons 2 générations au moins, dans une même tombe. Ce groupe de personnes peut contribuer à bouleverser notre idée de l’hérédité ».

 

Dans ce cimetière, ils cherchent des grands-mères et des petites-filles, des grands-pères et des petits-fils. Ils relient de façon inédite des êtres ayant vécu à près de 100 ans d’écart, et découvrent des liens qui remettent en cause certaines certitudes scientifiques.

« Jusqu’à récemment, l’hérédité c’était juste les gènes, des séquences d’ADN. Or, nous voulons prouver que l’hérédité est plus que ça. Voici un petit fils intégré à notre étude ».

 

C’est l’apologie de plus de 20 ans de recherche. Pour la première fois, PEMBREY appréhende l’immense portée de leur découverte.

« En venant ici, mes recherches prennent vie bien plus que je ne l’aurais cru – je suis très ému- c’est fantastique ».

 

Marcus PEMBREY fait partie d’un groupe restreint de scientifiques ; des chercheurs qui ont osé remettre en cause des certitudes scientifiques.

Ils sont convaincus que la vie de nos parents, de nos grands parents, arrières grands parents, affectent directement notre bien-être, même sans avoir vécu aucune de leurs expériences.

A l’époque, c’est une hérésie scientifique pour une majorité de spécialistes.

« Une grande découverte ne se prédit pas. La seule chose qu’on puisse faire c’est suivre son instinct ». (Wolf REIK –Institut Babraham Cambridge Angleterre).

 

Les biologistes étaient convaincus que notre hérédité génétique se figeait au moment de notre conception. A ce moment-là, nous recevons de notre mère et de notre père une série de chromosomes qui contiennent les gènes, des séquences d’ADN, unité de base de notre hérédité.

Après la conception, on pensait que nos gènes étaient verrouillés au sein de chaque cellule de notre corps, à l’abri des aléas de l’existence. Ce que nous faisons au cours de notre vie pouvait nous affecter, mais nos gènes demeuraient inchangés pour les générations futures.

Pour la génétique classique, grands parents et parents transmettaient uniquement leurs gènes. Les incidents subis au cour d’une vie n’étaient pas légués avec les gènes d’une génération à l’autre.

La biologie de l’hérédité est alors vue comme un processus immuable des plus rassurants – en apparence du moins !

Au début des années 80, Marcus PEMBREY dirige le département de génétique clinique à l’hôpital pour enfants de ( ?).

Il traite fréquemment des familles dont les affections génétiques le rendent perplexe.

« Constamment, nous avions à faire à des familles qui ne rentraient pas dans nos grilles, qui ne répondaient à aucun profil génétique communément établi.  Du coup, on envisageait des chromosomes anormaux. Mais après vérification, les chromosomes se révélaient normaux. Ensuite, à force de réfléchir sur les causes de ces anormalités, on a fait des recherches. Il fallait bien trouver une solution pour aider ces familles ».

 

Plus il traite de familles, plus les lois de l’hérédité semblent s’effriter.

Les maladies et les infections ne correspondent à aucun principe classique. Une affection attire particulièrement son attention : le syndrome d’Angelman.

« Cette affection porte le nom du pédiatre qui, le premier, a décrit ce syndrome. Angelman avait surnommé ces enfants « enfants marionnettes » d’après leur comportement typique : quand ils marchent, leurs mouvements sont saccadés. Ces enfants ne parlent pas, ils souffrent d’une déficience mentale profonde mais ils semblent toujours heureux, ils sourient tout le temps ».

 

 L’affection est due à un défaut génétique caractérisé par la perte d’un fragment au sein du chromosome 15.

« Un jour, nous sommes tombés sur un paradoxe. La même modification, la même micro délétion du chromosome 15 avait été clairement associée à une autre affection entrainant une déficience bien moindre et appelé le syndrome de Prader Willi. Ces enfants se caractérisent  à la naissance par une insuffisance de tonicité musculaire, mais dès qu’ils s’alimentent correctement, ils deviennent insatiables et deviennent terriblement obèses ».

 

 PEMBREY est confronté à un dilemme : 2 infections différentes, le syndrome d’Angelman et le syndrome de Prader Willi sont associés à la même délétion du chromosome 15.

« C’est une situation incongrue. Comment peut-on comprendre que la même délétion chromosomique engendre 2 syndromes différents ? »

 

Pour PEMBREY, la vision classique de l’hérédité vacille de plus en plus. Mais ses doutes vont à l’encontre du vent d’optimisme qui balaie la communauté scientifique.

Au début des années 90, le monde est subjugué par le plus grand projet biologique de l’histoire.

« Le projet du génome humain sera un accomplissement majeur dans l’histoire de l’humanité ».

 

Le projet du génome humain doit être l’apogée d’un siècle de recherches sur les gènes et la génétique. La science pense découvrir les secrets de la vie.

« Le patrimoine génétique de l’homme, le déchiffrage total du code génétique de l’homme, l’ensemble des instructions qui font l’être humain. Le génome humain est comme une bible où tout serait écrit ! Les scientifiques espéraient, une fois que toutes les lettres et tous les mots du livre seraient connus, qu’il suffirait de lire les pages pour comprendre la façon dont est constitué le corps humain».

 

Le génome devait permettre de comprendre la biologie humaine au niveau moléculaire. Une fois le génome séquencé, les scientifiques pensaient pouvoir découvrir rapidement les causes génétiques des maladies afin de concocter des remèdes appropriés.

On sera en mesure d’éliminer les maladies comme le cancer, la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson, le diabète… la liste est interminable.

 

Jonathan SECKI –Université Edimbourg –Écosse- « On considérait alors les gènes de façon très mécanique, uniquement sous forme de succession de lettres. On cherchait le moyen de découvrir la fonction de chacune des lettres du livre ! »

A l’époque, les scientifiques estiment que le génome humain, le livre de vie, contient près de 100 000 gènes.

Mickaël SKINNER- Université d’état de Washington-USA- « Au fil des séquençages, les chercheurs sont passés de 100 000 gènes à 60 000 puis à 50 000. Petit à petit, le nombre de gènes ne cessaient de baisser. En fait, nous savons maintenant que le génome humain est moins complexe qu’on le croyait, qu’il comporte moins de gènes que le génome de certaines plantes. Du coup, on a commencé à se poser des questions. Si notre génome a moins de gènes que d’autres espèces alors que nous sommes plus complexes, quelle en est la raison ? »

 

Aujourd’hui, les scientifiques estiment que nous avons moins de 30 000 gènes !

« Nous pensions, et je l’ai cru naïvement aussi, que nous serions capables de découvrir les composants génétiques des maladies communes. Or il s’avère que c’est extrêmement compliqué, l’idée « 1 gène = 1 maladie » n’explique pas entièrement une maladie »

 

30 000 gènes ne semblent pas suffisants pour expliquer la complexité de l’être humain, les savants ont du omettre quelque chose !

Premiers indices de l’élément manquant : le dilemme du syndrome de Prader Willi et du syndrome d’Angelman – 2 maladies très différentes causées par le même défaut génétique. Alors que PEMBREY analyse le profil héréditaire des deux affections, il fait une découverte étrange….

« Le fait déterminant, c’est l’origine du chromosome 15 frappé de délétion. Si la délétion se trouve sur le chromosome 15 hérité du père, l’enfant souffre du syndrome de Prader Willi. Si la délétion est héritée de la mère, on souffre dusyndrome d’Angelman ».

 

 Les chercheurs sont très surpris de découvrir qu’un même fragment d’ADN manquant provoque deux maladies différentes selon qu’il émane du père ou de la mère ; comme si les gènes savaient d’où ils venaient .

« Dans le fœtus qui développe une des deux affections, comment le chromosome 15 sait-il d’où il vient ? Le chromosome doit porter une sorte d’étiquette, d’empreinte déjà présente dans l’ovocyte ou le sperme de la génération précédente et qui signale : je viens de la mère, je viens du père, nous fonctionnons différemment ! La découverte cruciale, c’est que bien que l’on soit face à une séquence chromosomique identique, les gènes inhibés ne sont pas les mêmes selon que le chromosome vient de la mère ou du père».

 

La découverte montre que l’hérédité ne dépend pas uniquement des séquences codées de l’ADN.

« Nous avons compris que nous étions confrontés à ce qu’on appelle aujourd’hui l’empreinte génomique. Cela signifie que les gènes ont une mémoire. Ils savent d’où ils viennent. »

 

Quelque chose d’autre que l’ADN est donc à même de transiter d’une génération à l’autre. Les chercheurs lèvent le voile sur un univers inconnu des plus fascinants. Une strate cachée qui influe sur nos gènes, qui est capable de contrôler leur fonction. L’hérédité ne dépendrait pas seulement des gènes dont on hérite, mais de l’inhibition ou de l’activation de ces gènes.

« On peut comparer ça à un interrupteur. Quand le gène est allumé, il diffuse de la lumière, il est actif, il ordonne à la cellule de faire certaines choses. Si l’interrupteur est éteint, il fait noir, le gène est inactif. Ce sont les interrupteurs éteints ou allumés qui confèrent aux cellules leur identité. »

 

L’activité des gènes serait donc contrôlée par un interrupteur. La fixation d’un élément chimique inhiberait ou activerait le gène.

« Le phénomène d’activation ou d’inhibition des gènes s’appelle l’ÉPIGÉNÉTISME, qui signifie « sur les gènes ». La séquence d’ADN que l’on étudie depuis longtemps, depuis plusieurs décennies, ne fait pas tout. Nous savons désormais qu’au-delà de la séquence d’ADN, c’est le phénomène épigénétique qui permet à un gène d’être actif ou inhibé. »

 

L’ÉPIGÉNÉTIQUE expliquerait pourquoi l’être humain peut être façonné avec moins de 30 000 gènes, et pourquoi le projet du génome humain n’a pas fourni toutes les réponses.

« En ajoutant l’épigénétique à la séquence d’ADN, tout devient beaucoup plus complexe, car les gènes sont activés à divers degrés. Cette complexité permet d’expliquer la biologie de façon plus effective au sein d’une simple séquence d’ADN ».

 

Nous avons des niveaux de complexité additionnels d’où nous devons comprendre le processus qui vont bien au-delà de l’ADN.

« Le grand défit qui attend la biologie est de déchiffrer le code épigénétique, de découvrir toutes les combinaisons d’interrupteurs qui existent. La carte complète du génome humain nous révèle finalement très peu sur le fonctionnement de la vie. Le projet du génome humain, le séquençage de nos gènes, n’est pas une fin mais seulement un début. Si l’hérédité n’est pas uniquement due à l’ADN, si ces interrupteurs sont si importants, comment sont-ils activés ou inhibés ? »

 

Exemple : Mr et Mme ont deux enfants, un garçon et une fille. Ils ont recours à la FIV (fécondation in vitro) mais anomalie du fœtus… syndrome de Beckwith-Wiedemann (infection rarissime). Ce syndrome a attiré l’attention de Wolf REIK qui travaille dans la génétique du développement. Il est fasciné par l’univers mystérieux de l’épigénétique. Il veut découvrir ce qui permet d’activer ou de désactiver les interrupteurs. A sa grande surprise, après avoir placé un embryon de souris dans un milieu de culture, il remarque que certains gènes sont soudain désactivés.

« En constatant qu’il était relativement facile de modifier les interrupteurs dans un embryon de souris, nous nous sommes dit que cela devait être identique pour l’embryon humain. Lors d’une FIV, l’embryon humain passe aussi un certain temps dans un milieu de culture. Nous nous sommes donc demandé si le séjour d’un embryon humain dans un milieu de culture, ou bien sa manipulation, pouvait modifier les interrupteurs épigénétiques».

 

Wolf REIK sait que le syndrome de Beckwith-Wiedemann est dû à un interrupteur défectueux.

                        « Nous avons étudié un groupe d’enfants, de bébés affectés du syndrome de Beck… pour savoir quelle proportion avait été fécondée in vitro.. »

La FIV peut-elle activer ou inhiber des gènes ? Peut-elle favoriser le syndrome de Beck… ?

« Nous avons découvert une occurrence supérieure du syndrome épigénétique dans la population conçue un vitro ».

 

Alors que cette maladie est rarissime, elle est 3 à 4 fois plus élevée en cas de FIV. Il semble que le simple fait de retirer l’embryon de son milieu naturel suffise pour déclencher la maladie.

« Il faut revoir le processus de FIV, les conditions dans lesquelles elles sont pratiquées. Il faut effectuer des expériences plus précises pour voir comment on peut éviter d’influer sur les interrupteurs épigénétiques ».

 

Wolf REIK a démontré qu’une modification de l’environnement suffisait pour activer ou inhiber un gène. Mais ce n’est pas tout. On croyait que les interrupteurs modifiés ne pouvaient pas être hérités. Wolf REIK décide d’élever des souris dont les interrupteurs génétiques ont été modifiés.

« Nous pensions que lorsque le génome modifié était transmis aux descendants, les modifications épigénétiques étaient remises à zéro ».

 

En analysant le profil génétique des souriceaux, il est stupéfait !

« Nous observions les petits. Chacun d’eux signifiant que le gène est actif. Mais il apparaît que l’interrupteur épigénétique activé dans une génération était également présente chez la 2ème génération. Personne n’avait jamais démontré cela auparavant. C’était la toute première fois. Et tous ceux qui découvraient le génome disaient que ce n’était pas possible ! Qu’on avait dû se tromper de gel. Nous étions dans tous nos états. Même en se disant qu’on pouvait se tromper, nous étions tout excités comme peuvent l’être des savants ».

 

Cela signifie que les gènes ne sont pas verrouillés. Une simple modification environnementale peut affecter le fonctionnement des gènes. Et le fonctionnement modifié peut être légué. Comme si le souvenir d’un évènement particulier se transmettait de génération en génération. Nombre de scientifiques considéraient ce phénomène comme impossible. Si cet effet pouvait être observé chez l’être humain, les implications seraient profondes. Cela signifierait que certaines de nos expériences peuvent affecter nos enfants, et même nos petits enfants. Alors que ces observations commencent à être publiées, Marcus PEMBREY travaille à l’hôpital de Great Ormond Street. Il se demande à quoi peuvent bien servir ces liens inter générationnels.

« Comme je faisais carrière en tant que généticien clinique, j’étais plus libre de spéculer en dehors de mon travail. J’aime bien bousculer les choses. Ça m’amuse de spéculer car je n’ai rien à perdre. Et si jamais je suis dans le vrai, alors le plaisir est total ».

 

Marcus PEMBREY se demande pourquoi les gènes transmettraient le souvenir d’évènements d’une génération à l’autre. A quel objectif évolutionniste cela peut-il servir ?

                        « Peut-être que l’empreinte permettait une adaptation transgénérationnelle ? ».

 

Il pense qu’une mère peut ainsi transmettre des messages à son enfant et à la génération suivante.

« Depuis mes études de médecine, je me demandais ce qui empêchait la tête de l’enfant de rester coincer dans le vagin lors de la naissance. Le bébé grandit dans une génération, mais le bassin de sa mère à grandi dans la génération précédente. Si la mère ne mangeait pas à sa faim durant sa croissance, son bassin ne devait pas être bien large. Peut-être que ses ovocytes avaient assimilé cette information, et qu’ils induisaient aux gènes de croissance du futur bébé de ne pas forcer sur la dose pour que le bébé ne devienne pas trop gros et ne reste pas bloqué dans le vagin. Il existerait alors une sorte de coordination de la croissance entre deux générations. J’ai trouvé cette idée tout à fait raisonnable ».

 

Il publie son hypothèse dans un journal confidentiel et finit par l’oublier. Après tout, il n’a aucune preuve de ce qu’il avance. C’est de la spéculation pure. Quatre ans plus tard, Marcus PEMBREY reçoit un courriel d’un médecin suédois.

« Ce courriel était totalement inattendu. Je l’ai reçu en mai 2000. Ce monsieur disait que mon article était l’unique document qu’il avait trouvé et qui corroborait ses propres observations ».

 

Le courriel émane d’Olov BYGREN. Ce médecin étudie alors les archives de la population d’un village isolé du nord de la Suède : Overkalix. Ces archives sont uniques par leur précision. Elles reprennent toutes les naissances et les décès sur des siècles, répertoriant en détail toutes les récoltes. Overkalix est un village à quelques kilomètres du cercle polaire arctique. Donc particulièrement vulnérable à la famine.

« Au début du 19ème siècle, la région était très isolée. Elle ne pouvait recevoir aucune aide extérieure. Les gens étaient très pauvres. Quand la récolte était mauvaise, il y avait une famine. Et quand la récolte était bonne, tout allait bien ».

 

Olov BYGREN repère peu à peu des liens transgénérationnels qui le rendent perplexe.

« J’ai envoyé un courriel à Marcus PEMBREY pour lui annoncer que certaines de nos données pourraient l’intéresser ». (Olov)

 

" J’étais si content en recevant cette nouvelle inattendue ! C’était la première fois qu’on disposait de données permettant d’effectuer une étude. C’était le début de notre collaboration". (Marcus)

 

Overkalix offre à PEMBREY l’occasion unique de vérifier si un évènement ayant frappé une génération pouvait affecter une autre des décennies plus tard. Alors que PEMBREY et BYGREN analysent les données d’Overkalix, une femme découvre par hasard un fait étonnant en étudiant un groupe de patients. Rachel YEHUDA est psychologue – École de médecine du Mont Sinaï, New York-, elle s’intéresse à la réaction des gens au stress.

« Les effets transgénérationnels ne m’intéressaient pas du tout, jusqu’au jour ou nous avons ouvert un service pour prendre en charge les rescapés de l’holocauste ».

 

Alors qu’elle traite le stress des rescapés de l’holocauste, elle s’étonne du nombre de leurs enfants qui souffrent également des effets du même stress.

« Pour chaque rescapé de l’holocauste, 5 enfants de rescapé nous contactaient pour nous dire qu’ils étaient eux aussi des victimes de l’holocauste, qu’ils avaient été affectés indirectement par l’holocauste ».

 

Rachel YEHUDA est alors convaincue que le stress des enfants est lié au fait que les parents ont inlassablement évoqués leur vécu devant leurs enfants.

« Mes études m’avaient persuadée que le stress des enfants étaient dû à leur expérience durant leur enfance. Au fait qu’ils étaient bombardés des années durant par le vécu traumatique de leurs parents ».

 

A Edimbourg, Jonathan SECKI étudie l’exposition au stress des femmes enceintes. Il se demande si elles peuvent transmettre leur stress à leur fœtus. Il effectue des expériences avec des rats pour vérifier si en exposant des femelles à des hormones stressantes, le stress se transmet aux petits qu’elles portent.

« Nous avons découvert que la génération suivante répondait au stress de façon anormale pour le restant de ses jours. Le comportement des ratons était toujours emprunt d’angoisse ».

 

Pour vérifier si l’état affecte les gènes, Jonathan SECKI décide de les élever afin de voir si les effets du stress se retrouvent dans les générations jamais exposées à l’hormone de stress.

                        « Les petits de ces rats avaient tendance à répondre de façon anormale au stress ».

 

Pour Jonathan SECKI, la seule explication possible est que le stress active l’interrupteur d’un gène qui est transmis aux générations suivantes. Ses recherches prennent un relief nouveau après la tragédie qui frappe les USA. Le 11/09/2001, quand les deux tours s’écroulent à New York, YEHUDA et SECKI comprennent que cette catastrophe laissera de profondes traces et parquera même les générations à venir. Après le 11/09, YEHUDA et SECKI font équipe pour étudier des femmes enceintes à l’époque du drame.

« Nous avons eu plusieurs occasions d’examiner les effets du drame sur les enfants nés de parents souffrant de stress post traumatiques en réponse au drame du 11/09.  Et en particulier les enfants qui avaient été exposés in utéro ».

 

Face à un évènement stressant, l’organisme produit du cortisol, une hormone qui aide à réguler la réponse du corps au stress. Si le taux de cortisol est trop bas, la personne a beaucoup de mal à évacuer le stress, et peut souffrir d’un TSPT (Trouble de Stress Post Traumatique). La question : cet effet peut-il se transmettre de la mère à l’enfant ?

« Nous avons retrouvé 200 femmes enceintes dont bon nombre sortait en fait des tours jumelles. La moitié d’entre elles a développé un TSPT. Nous les avons examinées et avons constaté que le taux de cortisol dans leur salive était anormal. Mais plus frappant encore, c’était aussi le cas chez leur bébé. Chez les survivants de l’holocauste, on prétendait que leurs enfants avaient un taux d’hormones de stress anormal à cause du fait qu’ils avaient été stressés en écoutant des centaines de fois leurs parents raconter leur épouvantable vécu dans les camps de concentration. Or cet argument était irrecevable dans le cas du 11/09, car les bébés avaient à peine 1 an ». (SECKI)

 

            « Hormis le fait que les enfants avaient un taux de cortisol très bas, ce taux variait aussi selon le stade de la grossesse à la date du 11/09 ». (YEHUDA)

 

« L’effet majeur a été constaté chez les bébés des mères souffrant d’un TSPT et qui étaient enceintes d’au moins 6 mois. Chez les mères souffrant d’un TSPT similaire, mais qui n’avaient pas encore dépassé les 6 mois de grossesse, le pic de cortisol a eu peu d’influence sur le taux de cortisol du bébé ». (SECKI)

 

« Nous avons pensé que ça ne pouvait pas seulement être d’ordre génétique. Que quelque chose devait être transmis au cours des derniers mois dela grossesse. Lessymptômes de la mère avaient alors un effet sur le développement du système antistress du fœtus ». (YEHUDA)

 

Pour les deux chercheurs, le phénomène est d’ordre épigénétique, un évènement avait modifié la réponse au stress chez l’enfant.

« Cette découverte nous a fait prendre conscience qu’il fallait commencer à chercher là où on n’avait jamais pris la peine de chercher ».

 

Pour être certain qu’il s’agit bien d’un effet épigénétique, les chercheurs doivent s’assurer que leurs observations ne sont pas dues à un pic très élevé d’hormones de stress dans l’utérus.

« A partir d’ici, nous devions spéculer. Les recherches faites sur les animaux laissaient penser que l’effet persisterait dans la génération suivante ».

 

Si l’on trouve les mêmes effets de stress chez les enfants des enfants nés après le 11/09, il sera établi que la mémoire génétique d’un évènement stressant se transmet de génération chez l’homme.

« Ce serait une découverte majeure. En tout cas, la population ayant vécu les évènements du 11/09 est cruciale pour suivre les effets d’un évènement traumatisant ».

 

Le travail de YEHUDA et de SECKI offre des preuves évidentes des faits épigénétiques transmis d’une génération à l’autre. Mais il leur faut des données sur plusieurs générations.

En attendant, les chercheurs doivent regarder dans le passé. En Suède, PEMBREY et BYGREN détiennent des données qui permettent d’analyser les effets de la famine sur plusieurs générations.

Alors qu’il tente de savoir dans quelle mesure le manque de nourriture affecte la santé, Olov BYGREN fait une découverte consternante. Les effets de la famine semblent affecter les descendants nés un siècle plus tard et qui n’ont jamais connu la famine. Désireux de savoir pourquoi, Olov BYGREN contact Marcus PEMBREY.

« Olov m’a raconté que la quantité de nourriture dont disposaient les aïeux affectait le taux de longévité ou de mortalité de leurs petits-enfants. C’était une piste des plus excitantes et je lui ai répondu immédiatement ».

 

PEMBREY pense que l’incidence d’une maladie particulière, le diabète en l’occurrence, constitue un parfait indicateur pour confirmer un effet épigénétique.

« Je voulais connaître le pourcentage de diabétiques car je pensais que cette affection permettrait de confirmer la mémoire des gènes ».

 

Olov BYGREN recherche dans les archives tous les décès dus au diabète, puis relève les irrégularités du régime alimentaire des grands-parents des victimes.

« Quelques mois plus tard, il m’envoie un courriel pour m’annoncer qu’en effet il y a un lien évident entre la pauvreté alimentaire du grand-père paternel et la mortalité pour raison de diabète des petits-enfants. C’était une piste très excitante car il était clair que l’on était face à un effet transgénérationnel ».

 

Des liens apparaissent clairement entre les générations, entre les grands-parents et les petits-enfants. L’espérance de vie des petits-enfants était directement affectée par le régime alimentaire des grands-parents. Overkalix détient les clés pour fournir les premiers éléments de preuve d’une hérédité épigénétique chez l’être humain.

Les données démontraient qu’une sorte de mécanisme inconnu transmettait, d’une génération à l’autre, des informations sur les conditions environnementales. Ces idées pouvant passer pour hérétiques, PEMBREY est conscient que les résultats risquent d’être ravalés au rang de curiosité. Les deux hommes doivent comprendre le mécanisme de ce phénomène : Comment les grands-parents assimilent l’information qui affectera leurs petits-enfants ?

« Notre objectif était de trouver le moment où une réponse transgénérationnelle s’amorçait chez les aïeux ».

 

Marcus PEMBREY et Olov BYGREN repassent au peigne fin toutes les données des archives. Au fil des analyses, différents modèles commencent à s’imposer.

« Nous avons pu relever la disponibilité alimentaire chaque année de la vie des grands-pères et des grands-mères, depuis le jour où ils avaient été conçus jusqu’à l’âge de 20 ans. Et nous avons découvert que la réponse transgénérationnelle s’avançait uniquement durant certaines périodes de la croissance que nous appelons périodes sensibles de la croissance ».

 

Les deux chercheurs découvrent qu’une même famine ne déclenche pas une réponse transgénérationnelle au même moment chez le grand-père et la grand-mère. La grand-mère inscrivait la famine dans ses gènes quand elle était encore dans l’utérus. Alors que le grand-père en était marqué juste avant la puberté.

« Nous avons découvert que ces périodes sensibles correspondaient en fait à la formation des ovocytes et du sperme ».

 

La découverte est majeure. Ils savent désormais quand le phénomène a lieu. Les informations environnementales sont mémorisées dans les ovocytes et le sperme au moment où ils se constituent. Le processus de la transmission héréditaire d’un effet environnemental commence à se préciser. Il ne reste plus aux deux chercheurs qu’à compiler leurs découvertes.

Olov BYGREN esquisse grossièrement un diagramme et l’envoie à Marcus PREMBREY. En évaluant le diagramme, Marcus PEMBREY prend conscience de son importance.

« Après avoir tracé le graphique de nos résultats, le modèle qui se dégageait était si parfait, si clair, que je savais à 100% qu’on avait à faire à une réponse transgénérationnelle. C’était incroyablement cohérent, ils étaient liés aux moments où les ovocytes et le sperme se forment ».

 

Le diagramme montre un lien significatif entre les générations. Entre le régime alimentaire des uns et l’espérance de vie des autres.

« Quand on fait une découverte majeure pour la compréhension des maladies, vous pouvez imaginer que c’est quelque chose de grandiose ! On ne vit cela qu’une fois dans sa vie ! »

 

PRENBREY et BYGREN produisent la première preuve concluante d’un effet environnemental transmis d’une génération à notre génome. L’impact d’une famine est assimilé par les gènes au sein des ovocytes et du sperme. Et la mémoire de cet évènement est transmise et affecte encore les petits-enfants deux générations plus tard.

« Nous sommes en train de changer notre vision de l’hérédité. Au cours de la vie, de notre développement normal, on ne peut séparer les gènes des effets environnementaux. Ils sont inextricablement liés ».

 

PEMBREY et BYGREN ont prouvé que le régime alimentaire de nos grands-parents pouvait affecter notre santé. Mais il semble que toutes sortes d’évènements environnementaux sont à même d’affecter les gènes. Dans l’état de Washington aux USA, Michaël SKINNER a obtenu des résultats dont les implications sont aussi profondes. Il a déclenché un effet avec des pesticides et des fongicides utilisés dans l’agriculture. Il a exposé des rates gravides à de fortes doses de pesticide avant de vérifier les effets sur leurs petits.

« J’ai donc exposé ces femelles qui portaient des petits à certains produits et 6 mois plus tard, elles ont commencé à avoir des maladies auxquelles on ne s’attendait pas, comme des tumeurs au poitrail et à la peau, des maladies de la prostate, des reins, ainsi que des disfonctionnements immunitaires ».

 

 Mickaël élève les ratons pour vérifier si les effets persistent dans les générations suivantes.

« L’étape suivante a été de vérifier si les mêmes maladies se retrouvaient dans la deuxième génération puis la troisième. Nous avons donc répété l’opération et comme nous avons trouvé ces maladies dans la troisième puis la quatrième génération, nous avons compris que le phénomène était bien réel. Les maladies majeures se déclaraient chez 85% des animaux de chaque génération ».

 

Les découvertes de Mickaël SKINNER sont une révélation.

« Nous savions que lorsqu’un individu était exposé à une toxine, il pouvait développer certaines maladies. Le phénomène nouveau c’est que les effets d’une toxine qui a affecté directement un individu se répercutent sur deux ou trois générations. Je connaissais l’épigénétisme. Je savais que c’était un facteur qui contrôlait l’activité de l’ADN, qui activait ou inhibait des gènes. Mais que l’épigénétisme puisse jouer un rôle majeur dans le développement des maladies, cette idée ne m’avait jamais effleuré. Il m’a fallu un certain temps pour admettre que l’épigénétisme pouvait avoir un tel impact et pouvait expliquer un tas de phénomènes inexplicables auparavant ».

 

Le fait d’exposer un animal à une toxine provoque de nombreuses maladies chez la majorité de ses descendants, sur 2 ou 3 générations. Et comme les effets épigénétiques ont été observés chez l’homme, ce phénomène vaut également pour nous.

« Cela signifie que ce que notre grand-mère a subi alors qu’elle était enceinte peut provoquer une maladie chez vous sans que vous ayez subi le même évènement et que vous pouvez transmettre cette maladie à vos enfants ».

 

Les recherches de ces scientifiques nous livrent des éclaircissements sur le monde obscur de l’épigénétisme. Elle démontre que la vie de nos aïeux peut nous affecter directement.

« Ces résultats sont provocateurs. Certains ont du mal à les accepter. Mais il est clair qu’un certain nombre de laboratoires font des découvertes similaires dans les différents systèmes qui les intéressent. Le phénomène est bien là ».

 

L’épigénétique est capable de toucher tous les aspects de notre vie. Elle relie notre passé, notre présent et notre avenir d’une façon inimaginable jusque là.

« Ce sera la prochaine révolution de la biologie moléculaire. Il s’agit d’une révolution conceptuelle des plus inattendues, et qui pourrait expliquer bien des choses.

 

Il existe un tas de maladies très connues comme Alzheimer ou le diabète pour lesquelles il est très difficile, en l’état des choses, de fournir une explication génétique. Peut-être qu’un tas de maladies connues sont provoquées par des interrupteurs épigénétiques ».

 

Ces recherches n’en sont qu’à leur début. Bien des choses sont encore inconnues. Mais il est déjà établi que cette découverte changera à jamais la façon dont nous nous voyons.

« On dit que la première fois qu’un homme a tenu une photo de la terre sur laquelle on voit cette boule fragile flottant dans l’espace, il a éprouvé un immense besoin de la protéger. Jesuis certain que c’est en cela que la génération présente pense de façon planétaire car elle a la MÉMOIRE de cette photo. De même pour nos recherches, l’homme finira par comprendre que durant toute sa vie, il est le gardien de son génome. Il faut être très prudent avec son génome car il ne concerne pas seulement soi-même, on ne peut pas être égoïste et se dire « je fume comme il me plaît car je me fiche de mourir plus tôt ! »  Il faut protéger son génome pour ses enfants et ses petits-enfants ».

 

 

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