Gramsci, une pensée devenue monde, par Razmig Keucheyan (Le Monde diplomatique, juillet 2012) Pourquoi ce qui a été possible en Russie en 1917, c’est-à-dire une révolution ouvrière, a-t-il échoué partout ailleurs ? Comment se fait-il qu’à l’époque le mouvement ait été défait dans les autres pays européens — en Allemagne, en Hongrie, mais aussi dans l’Italie des « conseils de Turin », lorsque les ouvriers du nord du pays, en 1919-1920, occupèrent leurs usines pendant plusieurs mois ? Cette question est au point de départ des célèbres Cahiers de prison (1) d’Antonio Gramsci, lequel, jeune révolutionnaire, avait fait ses premières armes lors de l’expérience turinoise.
Rédigée quelques années après le reflux de ce processus, cette œuvre politique majeure du XXe siècle livre une profonde méditation sur l’échec des révolutions en Europe, et sur la façon de surmonter la défaite du mouvement ouvrier des années 1920 et 1930. Trois quarts de siècle après la mort de Gramsci, elle continue de parler à tous ceux qui n’ont pas renoncé à trouver les voies d’un autre monde possible.
Pourquoi citent-ils tous Gramsci? Temps de lecture: 7 min Le 9 novembre 2016, au lendemain de l'élection de Donald Trump, sur les réseaux sociaux circulait cette phrase d'Antonio Gramsci: «Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres».
Lundi 23 janvier, au lendemain du premier tour de la primaire de gauche, Benoît Hamon citait le philosophe à son tour : «Je pense à cette définition de la crise d’Antonio Gramsci qui dit que la crise c’est quand le vieux est mort et que le neuf ne peut pas naître et nous sommes dans un moment comme celui-là, et il a rajouté que de ce clair-obscur peut naître un monstre.» Il est devenu fréquent d’entendre des hommes politiques ou des commentateurs invoquer Gramsci, souvent pour dire que les victoires des idées précèdent les victoires politiques ou électorales. L'unité obsessionnelle. Qui est Antonio Gramsci ? Pourquoi ce révolutionnaire marxiste italien du début du siècle, emprisonné pendant la moitié de sa vie, influence-t-il les hommes politiques de notre époque ?
De sa trajectoire fascinante à ses concepts d'hégémonie, de culture et de crise, que retenir de Gramsci et comment user de ses idées aujourd'hui ? Réponse avec Nathan Sperber qui nous fait le portrait d'Antonio Gramsci. « Je hais les indifférents. Je crois comme Friedrich Hebbel que « vivre veut dire être partisan». On ne peut être seulement homme, étranger à la cité. Antonio Gramsci, « Je hais les indifférents » (février 1917) Le Guépard de Visconti adapté du roman de Guiseppe Tomasi di Lampesusa 1963 Guiseppe Prezzolini (Camarade de Gramcsi) "Tout homme est philosophe" - Ép. 3/4 - Antonio Gramsci, marxiste à l'italienne. De gauche à droite, le philosophe de tous les fantasmes - Ép. 3/4 - Antonio Gramsci, marxiste à l'italienne. Nicolas Sarkozy, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon, Marion Maréchal-Le Pen… Antonio Gramsci ne cesse de renaître de ses cendres.
A gauche mais aussi à droite, il est cité, convoqué, récupéré. A quel prix ? Quel usage faire de sa philosophie politique, qui appelait à fonder une nouvelle société ? Une émission présentée par Géraldine Mosna-Savoye Comment expliquer le succès d'Antonio Gramsci, ou du moins l'omniprésence de ses idées dans les débats publics aujourd'hui en France ? Comment s’unir pour renverser le pouvoir ? - Ép. 1/4 - Antonio Gramsci, marxiste à l'italienne. Gramsci (1891-1937), journaliste italien, militant emprisonné en 1926, est le penseur de concepts qui n'ont de sens que pour analyser l’Histoire.
La révolution d'Octobre 1917 et sa mise en pratique de l'hégémonie, l'alliance entre classe ouvrière et paysanne, lui inspire une réflexion nouvelle... Une émission présentée par Géraldine Mosna-Savoye Antonio Gramsci était un homme d'action : journaliste militant d'abord, puis dirigeant politique à la tête du Parti Communiste Italien de 1924 à 1926, et finalement emprisonné à partir de 1926 où il rédige 33 Cahiers de prison, écrits qui reflètent ce tiraillement entre intellectuel et militant.
Pendant la révolution d’Octobre russe (7-8 novembre 1917), Lénine et les bolcheviks mirent en pratique la méthode hégémonique (alliance de la classe ouvrière et de la classe paysanne pour s’émanciper des classes dirigeantes). Une autre révolution est possible - Ép. 2/4 - Antonio Gramsci, marxiste à l'italienne. 1919 et 1920 sont appelées "les années rouges" : ouvriers et paysans italiens se mobilisent en grève générale et occupent les usines.
Cette crise entraîne Gramsci à réfléchir aux moyens d’actions d’une révolution : la force ? Ou au contraire, des formes nouvelles d’organisation et d'action ? Une émission présentée par Géraldine Mosna-Savoye L'invité du jour : Jean-Claude Zancarini, professeur émérite d’études italiennes à l’Ecole normale supérieure de Lyon La crise, au coeur de la pensée gramscienne Il faut revenir historiquement à la raison pour laquelle la question de la crise est une question gramscienne. La crise d'hégémonie Normalement, le système d'hégémonie est assez simple : dans un Etat, il y a ce que Gramsci appelle un système qui se déroule dans la société civile, qui est le lieu où on amène à ce que les gens trouvent naturel ce qui se passe : que c'est naturel qu'il y ait la propriété privée des moyens de production, que c'est naturel que les intelligents soient intelligents...