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Stratégie du FdG

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Laurent Bouvet: Le Pen 2 - Mélenchon 0. Jean-Luc Mélenchon n'aura pas eu sa revanche contre Marine Le Pen. Son pari, courageux mais un peu fou politiquement, d'aller la défier en combat singulier à Hénin-Beaumont a tourné au fiasco. On peut même regretter qu'il rende encore plus scintillante l'étoile de Le Pen en l'ayant ainsi pointée du doigt dans le ciel encombré des législatives. Cet échec renvoie, au-delà des péripéties locales, à une forme de concurrence populiste mise en scène par nos deux protagonistes aussi bien que par les médias depuis des mois. Les deux leaders ayant été affublés de ce qualificatif péjoratif très tôt dans la présidentielle et l'ayant accepté puis retourné, en grande partie, à leur profit.

Lorsque Mélenchon s'adresse au peuple, il le fait au nom d'une conception mythique, ancrée très profondément à gauche, de celui-ci. Le seul problème, c'est que le peuple ainsi évoqué, invoqué et convoqué... ne suit pas. Pourquoi la stratégie « Front contre Front » de Mélenchon n’a pas marché. Le demi-succès du Front de Gauche et la question du FN.

Le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon ont réussi à rassembler l’électorat de la gauche radicalement anti-libérale, rassemblement qui s’était avérée impossible en 2007. En revanche, son ambition de faire reculer l’influence du Front national dans l’électorat populaire a échoué. La tentative de « re-diabolisation » de Marine Le Pen conjuguée à l’insulte ont finalement eu peu de prise sur ce vote, alors que la présidente du parti d’extrême-droite agissait sur des catégories de perceptions profondément ancrées dans la sensibilité populaire. Jean-Luc Mélanchon a donc recueilli à l’issue du premier tour de l’élection présidentielle 11,1 % des suffrages comptabilisés. Moins qu’attendu, ce résultat est pourtant une indéniable réussite pour le Front de gauche, alliance du PCF avec de récents et petits partis de la gauche radicale.

Que l’on songe aux 1,9 % de Marie-George Buffet en 2007... La première raison est l’existence, constante dans notre pays, d’un vote populaire de droite. "Jean-Luc Mélenchon a payé la rupture culturelle entre la gauche et le peuple" A lire sur ce même thème : Jean-Luc Mélenchon a été battu car il n'a pas compris qui sont les classes populaires aujourd'hui Atlantico : Comment expliquez-vous l’échec de Jean-Luc Mélenchon pour conquérir l’électorat populaire d’Hénin-Beaumont lors du premier tour des législatives ce dimanche et l’écart entre son score et celui de Marine Le Pen ?

Gaël Brustier : Le problème fondamental est culturel, au sens gramscien du terme : Jean-Luc Mélenchon a fait une campagne de gauche traditionnelle en rappelant à la gauche son idéal, avant qu’elle ne devienne en quelque sorte, selon lui, "corrompue" … "Corrompue", c’est-à-dire ? "Corrompue" à partir du tournant de la rigueur de 1983 ? Disons qu’avec Jean-Luc Mélenchon, c’est un peu confus : il a tout de même signé toutes les motions du PS et voté en faveur de Maastricht en 1992.

En fait, la gauche considère aujourd'hui qu’on impose d’en haut une vision xénophobe de la société et que le peuple serait l’agent passif de cette « droitisation ». Hénin-Beaumont : sortir d'un naufrage territorial. Sur cette terre du Guesdisme, un temps séduite par "le populisme Boulanger", la société s’est structurée durant trois siècles autour d’une mono industrie. Elle a permis l’émergence d’une véritable aristocratie ouvrière, produit des grandes solidarités et mise à l’épreuve des vagues successives de migrations. Une société du respect, du travail et de l’humilité. Une société qui par son labeur a contribué de façon décisive au développement et à l’industrialisation de la France.

C’était le temps d’une société encadrée où tout appartenait aux Houillères. C’est encore le pays des pollutions, des affaissements miniers, des inversions de cours d’eau, de la silicose et de la hausse des maladies professionnelles, deux fois plus forte que dans le reste du territoire. La fédération PS du Pas-de-Calais est issue de ces influences. La nouvelle présidente du FN affûte ses armes. Les terrils de Loos-en-Gohelle © Olibac Alors, pour mettre un terme à la stratégie de Marine Le Pen, il reste le sursaut.