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Anne Hommel, la vigie de « Charlie » Le 8 janvier 2015, le lendemain de l’attentat, Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, empoigne son téléphone et compose un numéro qu’il juge urgent et indispensable d’appeler. Malka a la conviction qu’Anne Hommel est la seule professionnelle en mesure d’endiguer et de détourner convenablement le déferlement de demandes médiatiques en tout genre que reçoit le journal meurtri depuis la veille. Au bas mot, cinq cents appels, autant d’e-mails, par jour, en provenance de journalistes du monde entier, pour essayer de décrocher un témoignage, une réaction, une quelconque exclusivité, après la tuerie perpétrée par les frères Kouachi dans les locaux de la rédaction. Dix « Charlie » sont morts, quatre sont blessés grave. Anne Hommel se met immédiatement au travail. Lire aussi « Charlie Hebdo » republie les caricatures du prophète Mahomet qui avaient fait du journal la cible des djihadistes.

Attentat contre « Charlie Hebdo » : cinq ans après, rescapés et proches tentent de se reconstruire. Sigolène Vinson gare son vieux 4 × 4 à Sausset-les-Pins, une petite station balnéaire des Bouches-du-Rhône. Cheveux emmêlés, K-way et pull marin, elle fixe les vagues grises qui éclatent sur la jetée. En temps normal, la romancière, chroniqueuse à Charlie Hebdo, serait allée surfer. Mais, comme quelques autres membres ou ex-membres du journal, elle a accepté de replonger dans ce qui l’a amenée dans le Sud il y a cinq ans.

De raconter, dans un flot de mots entrecoupés de silences et de larmes, le monde parallèle dans lequel elle vit désormais. Cette femme de 45 ans jamais lassée de regarder la mer se trouvait assise à côté de Charb dans la salle de rédaction du journal où les frères Kouachi ont fait irruption le 7 janvier 2015, à 11 h 33. . « À l’époque, je n’intellectualisais plus rien. Lorsque, comme elle, les rescapés de Charlie se repassent le film des cinq dernières années, ils font tous le même constat : des pans entiers de leur existence ont disparu. Attentats de janvier 2015 : qui sont les onze accusés dans le box ? « Vous allez nous parler un peu de vous. De votre enfance, de votre parcours », annonce le président Régis de Jorna aux onze accusés présents sur les quatorze (une est en fuite et deux autres sont présumés morts), devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Onze hommes, âgés de 30 à 67 ans. Onze ombres projetées dans la lumière du procès historique des attentats de janvier 2015, perpétrés par les frères Saïd et Cherif Kouachi et Amedy Coulibaly. Il leur est reproché d’avoir participé, à des degrés divers, au soutien logistique des auteurs des attentats, par la recherche ou l’acquisition d’armes, la fourniture de véhicules, de matériel ou d’argent. Les voilà donc tour à tour au micro, ces hommes, tous imberbes, à visage découvert ou masqué – le choix leur a en été laissé – qui, jusque-là, ne composaient qu’un tableau collectif indistinct. On appelle cela « interrogatoire de personnalité ».

Lire aussi Un nouveau commanditaire présumé des attentats de janvier 2015 identifié. Au procès de l’attentat contre « Charlie Hebdo » : « Cette balle ne m’a pas raté, mais elle ne m’a pas eu » Simon Fieschi s’appuie sur sa béquille pour avancer jusqu’à la barre, et refuse la chaise que lui propose le président de la cour d’assises. « Je tiens à témoigner debout, merci. » Il pose sa béquille contre le pied du pupitre. Cet homme de 36 ans à l’allure et au timbre de voix juvéniles a commencé à animer le site Internet et les réseaux sociaux de Charlie Hebdo en 2012. Son bureau était le premier sur lequel on tombait en entrant dans les locaux du journal, rue Nicolas-Appert (11e arrondissement). Il est le premier sur qui les Kouachi ont tiré en arrivant. Simon Fieschi ne s’étend pas sur l’attentat en lui-même. Coco et Sigolène Vinson, entre autres, l’ont très bien décrit la veille, et « de toute façon, vous savez que ça a été extrêmement vite pour moi » . « Je suis venu raconter à la cour ce qu’est l’effet d’une balle de kalachnikov », dit-il.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Où sont les soldats de la liberté ? Au procès de l’attentat contre « Charlie Hebdo », les mots des survivants et le poids des morts. Seuls comptent leurs mots. Le miracle de ces mots prononcés par des femmes et des hommes debout, là, parmi nous, au milieu du prétoire de la cour d’assises spéciale de Paris, mardi 8 septembre. Des survivants, des revenants, avec leurs mots qui disent l’horreur en sujet, verbe, complément. Avec force, douleur, tendresse, détresse et même drôlerie. Oui, aussi la drôlerie. Avec leur souffle qui cogne si fort dans le micro quand les mots jaillissent, et leurs silences suspendus quand ils ne viennent plus. Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au procès des attentats de janvier 2015, le cheminement vers l’horreur Pour chacun d’eux, Corinne Rey, Angélique Le Corre, Sigolène Vinson, Laurent Léger, Cécile Thomas, Gérard Gaillard, s’ajoute la culpabilité du survivant.

La volonté des deux terroristes qui ont écarté Angélique Le Corre – « Toi, tu restes là » – quand ils ont remonté l’escalier en prenant Corinne Rey en otage. Lire aussi : Qui sont les onze accusés dans le box ? Bernard Maris : un pied à « Charlie », l'autre à la Banque de France. Contraintes sanitaires et haute sécurité au premier jour du procès des attentats de janvier 2015. Bien sûr, il fallait s’y attendre : tout « historique », tout « exceptionnel » soit-il, le procès des attentats de janvier 2015 est d’abord soumis à la loi commune des règles sanitaires.

Distanciation, masques pour tous. Au premier jour de ce procès, mercredi 2 septembre, il y avait quelque chose d’étrange à voir cette menace du coronavirus étendre son ombre écrasante sur le temps judiciaire consacré aux actes de terreur qui ont endeuillé le pays du 7 au 9 janvier 2015. La rédaction de Charlie Hebdo décimée par les frères Saïd et Chérif Kouachi.

Des citoyens abattus parce que juifs dans le magasin Hyper Cacher de la porte de Vincennes par Amedy Coulibaly. Lire aussi Quarante-neuf jours d’audience, quatorze accusés et près de 200 parties civiles : ce qu’il faut savoir sur le procès des attentats de janvier 2015 Me Isabelle Coutant-Peyre est la première à la demander. Elle retire son masque et ouvre les hostilités. Denis Salas : « Les armes du droit nous permettent de quitter le champ de la riposte guerrière » Tribune. Près de cinq ans après, le procès des attentats des 7, 8 et 9 janvier 2015 ouvre une nouvelle phase de la lutte contre le terrorisme. Jusqu’à présent, nous avons combattu et mis hors d’état de nuire l’Etat islamique. En même temps, nous avons en partie utilisé les mêmes armes que lui. Aucune négociation, aucune trêve n’était possible.

La posture guerrière des djihadistes ne nous laissait pas d’autre choix. Face à ce défi, nous sommes allés très loin. Dans une belle unanimité, nous avons fait la guerre dans la zone irako-syrienne, militarisé nos villes, renforcé notre arsenal pénal, vécu dans l’état d’urgence pendant plus de deux ans et la pratique des assassinats ciblés fut assumée au plus haut niveau de l’Etat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « En acceptant que le procès des attentats de janvier 2015 soit filmé, le ministère public en souligne la dimension historique » Cinq ans après, les armes du droit sont en mesure de mettre un terme à ce cycle. Dessins de presse et tribunaux, une histoire française des croquis d’audience. Depuis trois jours, ils crayonnent à toute vitesse, au cœur du tribunal judiciaire de Paris. Mercredi 2 septembre, six illustrateurs y ont pris place, pour couvrir le procès des attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo, la policière Clarissa Jean-Philippe, à Montrouge, et le supermarché Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Cet événement extrêmement attendu, cinq ans après les faits, est suivi par de nombreux médias. Fait exceptionnel, cinq caméras sont autorisées à filmer ; une première pour une affaire de terrorisme. Au terme du procès, ces enregistrements vidéo, que le public ne peut pas consulter pour le moment (il faut attendre cinquante ans), enrichiront les Archives nationales.

Seules les chroniques judiciaires et les dessins de presse, les « esquisses d’audience », permettent aujourd’hui de saisir le plus précisément possible les échanges qui ont lieu. Raconter le déroulement d’une audience est une pratique ancienne, qui remonte au moins au XVIe siècle. La réédition des caricatures de Mahomet par « Charlie Hebdo » provoque une manifestation au Pakistan. Ils étaient une centaine, jeudi 3 septembre à Muzaffarabad, capitale du Cachemire sous contrôle pakistanais, à protester contre la dernière « une » de Charlie Hebdo, qui a choisi de republier, à l’occasion de l’ouverture du procès des attentats djihadistes de janvier 2015, plusieurs caricatures du prophète Mahomet qui avaient fait de l’hebdomadaire satirique une cible des djihadistes depuis 2006.

Les protestataires se sont rassemblés dans la ville, hurlant des slogans tels que « Cessez d’aboyer, chiens français », ou encore « Stop Charlie Hebdo ». La manifestation s’est achevée sans violence, après qu’un drapeau tricolore a été piétiné, puis incendié. Plusieurs autres manifestations sont prévues après la prière du vendredi, dont une à Lahore, dans l’est du pays, du parti extrémiste Tehrik-e-Labbaik Pakistan, dont la lutte contre le blasphème est la principale arme politique. . « Acte méprisable » « Encourager la haine contre l’islam et les étrangers » Un « acte criminel » Le Monde avec AFP.

Pourquoi le blasphème continue à faire scandale. Cet entretien a été publié initialement dans Le Monde des religions n° 83, juin 2017. Aussi ancien que les religions elles-mêmes, le blasphème désigne l’insulte faite à Dieu ou au sacré. Si les religions monothéistes y sont particulièrement sensibles, il se retrouve pourtant dans d’autres traditions spirituelles comme l’hindouisme. Et alors que l’on pensait en avoir fini avec le « péché de langue », il revient régulièrement à la une de l’actualité depuis plusieurs années. Il est encore présent dans les débats alors que s’est ouvert, le 2 septembre, le procès des attentats de « Charlie Hebdo », de Montrouge et de l’Hyper Cacher, devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Comment expliquer cette persistance ? Que disent les textes sacrés ? Comment définir le blasphème ? Anastasia Colosimo : La première chose que l’on constate en s’intéressant au blasphème, c’est que cette notion existe dans presque toutes les langues et cultures du monde. Procès de l’attentat contre « Charlie Hebdo » : « Fredo, ça a été le premier tué, le dernier enterré » Mercredi 7 janvier 2015, Frédéric Boisseau est parti très tôt de la maison, à 4 h 30. Il est technicien de maintenance, la route est longue depuis son village près de Fontainebleau (Seine-et-Marne), il doit rejoindre deux de ses collègues, Jérémy Ganz et Claude Boutant, pour une nouvelle mission au 10, rue Nicolas-Appert, à Paris.

Ils sont serrés à trois dans la loge du gardien, à la recherche d’un code sur leur ordinateur, quand la porte s’ouvre d’un coup. Deux hommes cagoulés les pointent avec leurs armes, l’un crie : « Charlie ? C’est où Charlie ? » et tire. Frédéric Boisseau s’écroule. « Jérémy, je suis touché. Appelle Catherine. Jérémy Ganz en a gros sur le cœur. Ce mercredi, Catherine Gervasoni, sa compagne depuis dix-sept ans, était à la maison, comme tous les mercredis, pour s’occuper de leurs deux fils de 11 et 13 ans, quand elle a reçu l’appel de Jérémie. « On nous a tiré dessus. Procès de l’attentat de « Charlie Hebdo » : « On est juste une victime de plus, tout policier qu’on soit »

Pour eux aussi, le 7 janvier 2015 fut un cauchemar. Ces hommes et ces femmes à la barre qui tentent les uns après les autres de ravaler leurs sanglots, le plus souvent sans succès, en se remémorant cette journée, n’appartenaient pas à la rédaction de Charlie Hebdo : ils sont policiers. Lundi 14 septembre, la cour d’assises spéciale de Paris a entendu sept agents intervenus autour du siège du journal alors que le carnage venait d’avoir lieu, et qui ont fait face aux frères Kouachi dans les premiers instants de leur cavale sans pouvoir les neutraliser. On imagine leur cuir plus épais que la moyenne, on les suppose préparés aux pires scénarios.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au procès de l’attentat contre « Charlie Hebdo », les mots des survivants et le poids des morts Ces témoignages racontent la même sidération que ceux des survivants de Charlie la semaine précédente. Procès des attentats de janvier 2015 : avec Fabrice Nicolino, l’audience devient politique. « Sur le 7 janvier, qu’est-ce que je peux vous dire, franchement ? » Face à la cour d’assises spéciale de Paris, mercredi 9 septembre, Fabrice Nicolino n’a pas envie de s’étendre sur la tuerie de Charlie Hebdo, le journal dans lequel il écrit depuis 2009 : ses collègues ont déjà tout dit à la barre. Coco, Sigolène Vinson ou Laurent Léger la veille. Simon Fieschi juste avant lui. Le 7 janvier 2015, Fabrice Nicolino a reçu trois balles de la kalachnikov de Chérif Kouachi : une dans chaque jambe, une dans l’abdomen. Il s’en est mieux tiré que les autres survivants que sont Simon Fieschi ou Philippe Lançon, mais doit tout de même se déplacer avec une béquille et porter des chaussures adaptées, « sans lesquelles je ne pourrais pas marcher normalement ».

En 1985, cet homme de 55 ans avait déjà survécu à un attentat : l’explosion d’une bombe au Rivoli-Beaubourg, un cinéma parisien où se déroulait un festival du film juif : « L’attentat avait déjà été revendiqué par le djihad islamique. Procès des attentats de janvier 2015 à « Charlie Hebdo » : le cheminement vers l’horreur. « Je vous propose qu’on clique sur le plan pour suivre la flèche, énonce d’une voix calme Christian Deau, enquêteur de la section antiterroriste de la brigade criminelle, qui dépose à la barre de la cour d’assises spéciale de Paris, lundi 7 septembre. Quand on entre, la première scène de crime est celle-ci. » Du sang, une longue flaque de sang sous une chaise à roulettes. Ici était assis Simon Fieschi, le 7 janvier 2015 à 11 h 33 minutes et 50 secondes. Grièvement blessé, il a déjà été évacué des locaux de Charlie Hebdo. « Le principe du panoramique, c’est qu’on peut tourner », poursuit Christian Deau. L’image tourne, la flèche avance. De la même voix calme, l’enquêteur donne une autre indication : « Si on clique sur un petit cavalier [les repères jaunes installés par la police sur les scènes de crime], il apparaît en gros. » Il clique, pour l’exemple.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Attentats de janvier 2015 : qui sont les onze accusés dans le box ? Tout est rouge. Procès des attentats de janvier 2015 : des souvenirs, des larmes et des rires ont clos la semaine « Charlie » Sur le grand écran défilent des dessins de Charb. Ils ont été choisis par Marika Bret, son amie intime depuis l’époque de La Grosse Bertha, qui a vécu ensuite à ses côtés l’aventure de Charlie. Un précipité féroce de vingt ans de combats pour revendiquer le droit à se moquer de tout. Un homme préhistorique tient une burette d’huile dans une main, une torche enflammée dans l’autre. « L’invention de l’humour », dit la légende. Une phrase s’affiche : « Je suis pour la liberté d’expression, MAIS », le I majuscule dessine un minaret. Un prêcheur ensanglanté proclame : « Notre haine du blasphème est plus forte que notre amour de Dieu ». On a ri. Lire aussi Quarante-neuf jours d’audience, quatorze accusés et près de 200 parties civiles : ce qu’il faut savoir sur le procès des attentats de janvier 2015 Juste avant, la mère de Charb, Denise Charbonnier, s’était avancée à la barre, appuyée sur une canne, pour parler de son fils : « Stéphane a toujours dessiné.

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